1/2 - En créant Le Rouge Français, Elodie Carpentier a redonné des couleurs au maquillage, grâce aux vertus des plantes tinctoriales. Cette ingénieure en biotechnologie en dit plus long au Boudoir numérique sur sa marque de make-up bio, éco-responsable, vegan et cruelty free.
Par Ludmilla Intravaia
Le Boudoir Numérique : Vous avez créé votre marque Le Rouge Français, en 2018, après trois années de développement d’une innovation brevetée par vos soins, la coloration végétale en maquillage. De quoi s’agit-il ?
Elodie Carpentier, cofondatrice du Rouge Français : Nous utilisons des processus de biotechnologie, les technologies issues du vivant, pour l’extraction enzymatique d’ingrédients de coloration dans les végétaux, pigments qui sont ensuite intégrés dans la formule finale de nos rouges à lèvres, de nos mascaras, eyeliners, blushs et tout autre produit de maquillage. Nos procédés de broyage, d’extraction et d’infusion nous permettent d’obtenir des couleurs naturelles et originales, alternatives aux pigments chimiques et non renouvelables, tout en bénéficiant des vertus hydratantes, anti-oxydantes et réparatrices des plantes tinctoriales pour protéger l’épiderme.
Qu’est-ce qu’une plante tinctoriale ?
Ce sont des plantes ou des fruits qui, grâce aux molécules contenues dans leurs fleurs, feuilles, baies, bois ou leurs racines, disposent de propriétés colorielles, mais aussi bénéfiques pour la santé. Il en existe plusieurs types que nous sourçons en France, comme la garance, l’ingrédient phare de notre rouge à lèvres. La garance est une racine rouge utilisée depuis l’Egypte ancienne pour ses vertus colorantes et apaisantes. Cléopâtre, une des femmes les plus séduisantes au monde, utilisait déjà la garance pour sublimer ses lèvres. La graine rouge orangé de roucou est, elle aussi, employée depuis la nuit des temps en Amérique du sud pour les peintures corporelles, pour se protéger du soleil ou des piqures d’insectes. Sorgho, indigo, rose de damas, hibiscus…, grâce aux nombreuses plantes tinctoriales, notre innovation en coloration végétale offre un panel de teintes incroyables, avec de belles applications dans le maquillage.
Vous faites partie des lauréates du prix de l’entrepreneure végane 2021 de PETA France, destiné à récompenser, comme expliqué par l’association de défense des droits des animaux sur son site internet (voir ici), “les femmes qui font avancer la cause animale par le biais de leur courageux entreprenariat”. Votre maquillage est vegan et cruelty free. Qu’est-ce que cela signifie ?
Notre entreprise est certifiée sans produits issus ou testés sur des animaux. Cruelty free signifie que l’on préserve les animaux de tests. Avant l’interdiction des tests de cosmétiques sur les animaux en Europe (la commercialisation de produits cosmétiques contenant des ingrédients testés sur des animaux est interdite depuis 2009 en Europe, NDLR), on réalisait des tests précliniques pour s'assurer qu’un produit de maquillage vendu sur le marché n’avait pas de potentiels effets secondaires sur la peau des êtres humains, qu’il ne créerait pas des allergies, par exemple. Néanmoins, certaines marques françaises qui respectaient la réglementation européenne ne pouvaient pas être considérées comme cruelty free, parce qu’elles exportaient dans des pays, où les tests sur leurs produits étaient obligatoires, comme la Chine. Entretemps, ce pays a décidé d'interdire les tests sur les animaux (depuis le 1er mai 2021, pour les produits cosmétiques français exportés en Chine, à l’exception des colorations capillaires, des produits blanchissants et des crèmes solaires notamment et moyennant la remise d’un certificat de respect des bonnes pratiques de fabrication et d’une étude de sécurité, NDLR), ce qui démontre que le combat des communautés vegan est entendu et qu’il est possible de ne plus contribuer à cette souffrance animale, en achetant des produits de maquillage. Il y a encore des pays où les tests préalables sont obligatoires mais la réglementation en faveur de l’interdiction avance à grands pas.
Que veut dire vegan pour les produits du Rouge Français ?
Nous respectons la cause animale, donc nous n’exploitons pas les animaux. Nos formules et nos packagings ne contiennent aucun produit ou sous-produit issus d’animaux. Le maquillage conventionnel peut contenir divers ingrédients non vegan comme le pigment rouge cochenille obtenu avec ces insectes écrasés, des cires et des gélatines issues du porc et de poisson ou encore de la graisse de baleine qui n’est pas encore interdite au Japon, par exemple. Nous n’utilisons pas de cire d’abeille, de graisse animale, de carmine issus de cochenilles ou de cuir animal. Nous avons introduit des alternatives innovantes, telles que les cires végétales de riz, de candelilla (un arbuste originaire du Mexique, NDLR) et de carnauba (un palmier du Brésil, NDLR) qui permettent un étalement de la matière tout aussi performant que les ingrédients d’origine animale.
En matière d’accessoires, vous avez également conçu un fourreau en peau de pomme vegan pour vos rouges à lèvres. S’agit-il de l’alter-cuir Apple Skin de l’entreprise italienne Frumat ?
Tout à fait. Le positionnement du Rouge Français sur l'élégance à la française a nécessité de nombreuses recherches en matières innovantes pour trouver des alternatives à des matériaux luxueux comme le cuir animal. En jetant notre dévolu sur cette peau de pomme, issue des résidus agro-alimentaires des vergers de Bolzano alimentant l’industrie du jus de fruit en Italie, nous participons à la revalorisation d’un déchet en objet de luxe. Il existe, aujourd'hui, énormément d'alternatives vegan avec le même grain, la même finition et un aspect aussi luxueux que le cuir animal. Nous utilisons également la peau issue du raisin pour des pochettes de rouge à lèvres et de maquillage. De même, si nous ne les employons pas encore, nous explorons les possibilités offertes par le cuir de champignon ou le liège qui, eux aussi, possèdent de très beaux touchés ressemblant à celui du cuir.
Croyez-vous en ces nouvelles matières innovantes comme future alternative au cuir d’origine animale ?
Bien sûr, d’autant plus que la recherche ne s'arrête jamais. Nous sommes jusqu'au-boutistes. C'est pour cette raison que nous nous sommes concentrés sur la coloration d'origine végétale, nos formules et nos certifications mais aussi sur nos packagings que nous avons voulu éco-responsables. Ainsi, nous avons trouvé des alternatives, non seulement au cuir animal, mais aussi au plastique, en développant un petit bijou d’ingénierie, à savoir le premier écrin biosourcé végétal à l'huile de ricin, recyclable et rechargeable.
Cet écrin est donc le fruit de vos propres recherches ?
Nous avons pris le risque de développer notre packaging en interne, car la plupart des packagings en maquillage sont sourcés en Chine. Nous sommes très satisfaits de cette innovation, notamment de l’aspect de la matière. Le biosourcé végétal existe déjà comme alternative au plastique, par exemple à partir de la fécule de pomme de terre, de l’amidon, mais pâtit d’un aspect jaunâtre. Avec notre écrin à l’huile de ricin, la recharge est totalement visible à travers notre matériau, tellement il est transparent.
Vous disiez précédemment que votre garance provient de France. Est-ce le cas de la majorité de vos ingrédients ?
En terme de sourcing, nous nous focalisons au maximum sur le local et la France. Par exemple, la garance provient de Charente-Maritime, l’indigo et la persicaire (plante herbacée, NDLR) de Provence. Nos ingrédients sont issus de l’agriculture biologique (méthode de production agricole excluant le recours aux produits chimiques de synthèse et aux organismes génétiquement modifiés, NDLR). Et lorsqu’une plante est endémique (cantonnée à une région géographique particulière, sans intervention de l’homme, NDLR), nous la sourçons dans son pays d’origine pour préserver la biodiversité, l'équilibre entre la flore et la faune, de même que les savoir-faire ancestraux de la population locale qui se nourrit de la culture de ces ressources. Nous travaillons avec des partenaires de confiance qui nous garantissent des filières éthiques, certifiées et durables. Je pense notamment à l’entreprise Guayapi (voir ici) dont nous avons été visiter l’exploitation au Sri Lanka et qui va au delà du bio, en étant certifiée Forest Garden Products (FGP), à savoir une culture des plantes tinctoriales sous les arbres, respectueuse de l’écosystème de ces jardins forestiers.
* Le flagship Le Rouge Français est situé à l’Espace Chamberlan, 5 rue Rouget de L’Isle, 75001 Paris. Plus d’infos sur le site internet de la marque ici.
* Retrouvez la seconde partie de l’interview d’Elodie Carpentier, dans cet article du Boudoir Numérique : “Nous voulons partager une expérience immersive autour de la couleur”.
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