Alors que la tournée Cowboy Carter de Beyoncé touche à sa fin, focus sur la robe lumineuse imaginée pour la chanteuse américaine par Kunihiko Morinaga, le designer de la marque japonaise Anrealage, dans le sillage de sa collection automne-hiver 2025-2026, présentée à Paris, le 4 mars dernier.
Par Ludmilla Intravaia
« Beyoncé nous rappelle toujours la véritable puissance de la création. » C’est en ces termes que Kunihiko Morinaga, le designer de la marque japonaise Anrealage, a exprimé sa joie d’avoir vu une de ses créations portée par la chanteuse américaine. Et pas n’importe quelle création, une robe comportant pas moins de 35 000 LEDs scintillant de mille feux, sur la scène du Cowboy Carter Tour, lancé le 28 avril dernier, en Californie et qui se clôturera le 26 juillet prochain, au Nevada.
C’est en chantant son titre Daughter, au SoFi Stadium d’Inglewood, ce soir-là, que Beyoncé a arboré, pour la première fois, cette somptueuse robe à crinoline « confectionnée avec notre textile signature ‘Led Textile’, un tissu flexible capable d’afficher des couleurs, motifs et graphismes changeants, comme un écran à cristaux liquides », a confié Kunihiko Morinaga, deux jours plus tard, au magazine de mode américain Women's Wear Daily.
« Le tissu de la robe bloque la lumière venant de l’avant tout en laissant passer la lumière RVB depuis l’arrière, ce qui permet au textile de fonctionner comme un écran », a livré le designer à WWD. Et la silhouette d’offrir un effet optique unique, passant de motifs tartan rouge, puis bleus, à un total look doré, avant de basculer « vers un bruit tricolore, évoquant le drapeau américain — rouge, blanc et bleu — qui se dissout ensuite en un bruit monochrome. À partir de là, des motifs de vitraux rappelant ceux d’une cathédrale apparaissent et évoluent rapidement, culminant dans une explosion de lumière semblable à des étoiles éclatantes. Enfin, les images s’estompent dans une obscurité cosmique, et une pluie de lumière tombe de nouveau, alors que la robe atteint son éclat final », a déclaré Kunihiko Morinaga. « C’était une performance visuelle véritablement épique », s’est-il enthousiasmé.
« À la Fashion Week de Paris, ce que nous avons présenté était un aperçu du futur proche », s’est réjoui Kunihiko Morinaga, dans WWD : « mais au moment où Beyoncé l’a porté, c’est devenu le présent. À cet instant, cela a transcendé la mode pour devenir une part de la culture et de l’histoire. Créer un vêtement unique au monde — c’est cela, pour moi, l’essence du design de mode. »
C’est que la robe light-up de Beyoncé s’inscrit dans la continuité du travail de Kunihiko Morinaga pour sa marque Anrealage et de sa collection FW25-26. Intitulée Screen, elle a été présentée lors de la semaine de mode parisienne, le 4 mars 2025. Sur le catwalk, se sont succédées des silhouettes lumineuses à LEDs colorés, en un puissant contraste avec le caractère anguleux de vêtements inspirés de l’univers gaming de Roblox et de chaussures au style robotique, imprimées en 3D.
Un rêve fashion tech devenu réalité, pour une nouvelle façon de concevoir la mode et le vêtement, tel un « écran seconde peau, imaginant un futur où les individus pourront échanger et partager les motifs de leurs habits. Tel un panneau publicitaire vivant, des fils souples et des textiles intégrant la technologie LED-LCD (…) peuvent être pliés, tricotés, cousus et drapés dans toutes les formes possibles », expliquait la marque, sur son compte Instagram, le lendemain du défilé.
« Un écran noir comme espace de possibilités infinies », voilà comment Kunihiko Morinaga résume son choix artistique s’appuyant, comme bien souvent avec lui, sur ce que la technologie peut apporter de meilleur, en termes de créativité. Dans le communiqué de presse de la collection Screen, la marque développe plus avant sa démarche, sur son compte Instagram, le 5 avril dernier : « Pour l’automne/hiver 2025-2026, Kunihiko Morinaga imagine un futur où les vêtements noirs servent d’écran permettant d’afficher n’importe quelle couleur, motif, image ou message. Les vêtements deviennent des supports de diffusion de messages, réfléchissant et transformant un flux visuel et informationnel – l’équivalent, à l’ère de l’écran, de l’homme-sandwich du début du XXe siècle ou des t-shirts à slogans. Ces vêtements-écrans changent instantanément selon l’humeur de la personne qui les porte, puisant dans une galaxie de motifs téléchargeables rendus dans des couleurs numériques RVB - ou rouge, vert, bleu, le mode colorimétrique utilisé par les écrans d’ordinateurs, de smartphones et de télévision, NDLR - éclatantes, impossibles à reproduire en quadrichromie (CMJN) - ou cyan, magenta, jaune, noir, le mode colorimétrique utilisé pour l’impression papier, NDLR -. Des motifs lumineux apparaissent et disparaissent, donnant naissance à des expressions visuelles nouvelles et continues. Le vêtement – comme la vie elle-même – ne cesse jamais d’évoluer ; il n’a pas de forme définitive. »
Retrouvez le show Screen dans son intégralité ci-dessous.
Tant la robe de Beyoncé que la collection Screen ont été réalisées en collaboration avec l’entreprise japonaise Mplusplus, un collectif pluridisciplinaire fondé en 2013, spécialisé dans les technologies scéniques, à base de LEDs, robotique, etc. Découvrez, ci-dessous, un exemple de son travail avec des rubans lumineux, lors d’une prestation de danse.
Déjà, en 2023, le créateur d’Anrealage avait collaboré avec Beyoncé pour sa tournée Renaissance, où elle portait une tenue changeant de couleurs, à la faveur d’une exposition aux rayons ultraviolets, un concept exploré par Kunihiko Morinaga pour sa collection AH 23/24 (voir ici) et pour une capsule Fendi X Anrealage en 2021 (voir là).
A noter, par ailleurs, que si certains motifs à effets vitraux de la collection Screen d’Anrealage faisaient brillamment écho à ceux de la cathédrale américaine de Paris (où se déroulait le défilé), ils nous ont aussi furieusement rappelé le cultissîme défilé ecclésiastique du film Fellini Roma. Un article de la série « Fashion tech à papa » du Boudoir Numérique rend hommage à son costumier Danilo Donati, l’inventeur en 1972 des premières mitres et chasubles lumineuses de l’histoire du cinéma italien (ne passez pas à côté, ça tombe bien, il est ici).
Robe fashion tech d’Anrealage (collection Power printemps-été 2018), photographiée dans l’espace Wearable Lab du salon Première Vision Paris, le 12 février 2019, à Villepinte (©Le Boudoir Numérique)
Le Boudoir Numérique a découvert la fashion tech d’Anrealage, au salon Première Vision en 2019. Et n’a cessé de suivre cette marque d’exception depuis, comme vous pourrez le découvrir en vous plongeant dans les articles ci-dessous :
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