PETA - "La technologie peut aider à mettre fin à l'exploitation des animaux pour la mode"
Suite au succès de sa campagne anti-fourrure qui a vu le déclin de la fourrure animale dans la mode, l’association de défense des droits des animaux PETA élargit ses actions de sensibilisation à la souffrance animale générée par le commerce du cuir, de la laine et des peaux exotiques, comme l’explique Anissa Putois au Boudoir Numérique. Pour la chargée de communication de PETA France, “la technologie a un rôle à jouer dans la transition du secteur de la mode vers des alternatives éthiques et écologiques”.
Par Ludmilla Intravaia
Le Boudoir Numérique : En février dernier, PETA a annoncé mettre fin à ses publicités anti-fourrure “Plutôt à poil qu’en fourrure”, à l’occasion du trentième anniversaire de cette campagne ayant vu les célébrités du monde entier se dévêtir pour lutter contre l’usage de cette matière issue de l’exploitation animale. Pourquoi ?
Anissa Putois, chargée de communication chez PETA France : Suite au succès de notre campagne "Plutôt à poil qu’en fourrure” (toutes les infos ici), l'industrie de la fourrure animale est maintenant prise dans une spirale descendante. Comme l’utilisation de la fourrure animale dans la mode est presque révolue, nous marquons ce tournant historique, en élargissant notre champ d'action à d'autres domaines dans lesquels les animaux ont encore besoin de notre aide, notamment les commerces du cuir, de la laine et des peaux exotiques. Ces dernières années, et notamment ces douze derniers mois, ont vu une transformation majeure du secteur de la mode, vis a vis de la fourrure animale. De grandes maisons comme Chanel (plus d’infos ici), Versace (voir ici), Prada (voir ici) ou Jean-Paul Gaultier (voir ici) se sont engagées à arrêter d'en vendre et d’autres marques, en dehors de l’univers du luxe, s’en détournent aussi, telles The Kooples (voir ici), Zadig & Voltaire (voir ici) ou le groupe SMCP (comptant les marques de prêt-à-porter Sandro, Maje et Claudie Pierlot, voir infos ici, NDLR). Et ce ne sont pas seulement les créateurs et les entreprises qui font ce choix mais aussi des villes ou des états comme la Californie (voir infos ici) qui non seulement s’est engagée à ne pas produire de nouvelles fourrures animales mais également d’en interdire la vente. Même la reine d’Angleterre (voir infos ici), a décidé de ne plus se faire fabriquer de tenues en fourrure animale. Elisabeth II s’adapte à la société de son époque, ce qui envoie un message très fort sur le changement de l’opinion publique à ce sujet, sur le dégout ressenti par les gens qui tournent le dos à la fourrure animale. Il n’est tout simplement plus acceptable de se promener, vêtu de pied en cap d’un manteau en vison, aujourd’hui.
Ci-dessous : quelques photos de la campagne "Plutôt à poil qu’en fourrure” avec, respectivement, les personnalités suivantes : Pamela Anderson, Tyra Banks, Eve Angeli, Kim Basinger, Gillian Anderson, Tommy Lee, Eva Mendes et Pink (© PETA).
Ne craignez-vous pas un retour en force de la fourrure animale, si vous relâchez votre pression médiatique ?
Certes, l’industrie de la fourrure animale va essayer de revenir. On voit déjà des campagnes publicitaires dans ce sens. Néanmoins, nous sommes confiants car ce sont les consommateurs qui mènent le mouvement et que des alternatives existant, la fourrure animale n’a plus lieu d’être. Il y a des générations de jeunes consommateurs qui jamais, en connaissance de cause, ne voudraient porter de fourrure animale. Cela dit, une marque comme Canada Goose contre laquelle PETA fait campagne depuis des années (voir infos ici) continue d’utiliser, pour les garnitures de ses vestes, de la fourrure provenant de coyotes sauvages piégés par des trappeurs, dans d’atroces souffrances. Certaines personnes, pour qui la fourrure animale fait partie d’un autre temps, d’une époque révolue peuvent acheter, sans réfléchir, une veste de ce type, parce qu’elles n’imaginent même que ça peut être de la fourrure véritable. Donc, pour clarifier, nous n’arrêterons pas de sensibiliser sur la cruauté du commerce de la fourrure animale et de cibler les marques qui continuent à en vendre car malheureusement, il en reste et cette cruauté persiste. Nous continuons le combat.
Vos actions de sensibilisation vont donc être élargies au commerce du cuir, de la laine et des peaux exotiques. Commençons par la laine des moutons. Que dénoncez-vous dans cette industrie ?
Beaucoup de gens l’ignorent encore mais la récolte de la laine n’est pas une simple tonte, pour des moutons à qui l’on ferait une “coupe de cheveux” indolore, loin de là. L’obtention de la laine se fait au prix d’une grande souffrance pour les animaux. PETA a diffusé treize enquêtes vidéo, tournées dans plus de 150 exploitations lainières et élevages de moutons dans le monde, notamment en Australie, l'un des plus grands producteurs mondial mais aussi en Argentine, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et, partout, les actes de maltraitance sur les moutons, ces animaux très paisibles et calmes, sont identiques (voir les vidéos ici). Les travailleurs sont généralement payés au volume, et non à l’heure, ce qui les encourage à travailler le plus rapidement possible et conduit à une manipulation sans ménagement des moutons, victimes de nombreuses coupures et blessures. La tonte est tellement violente que certains animaux meurent d’une crise cardiaque, pendant qu’ils subissent cette expérience terrifiante. Et puis, comme dans toute exploitation animale, quand les animaux ne sont plus jugés rentables, ils sont abattus. Parfois, ils sont envoyés au Moyen Orient, dans des conditions de transports affreuses, où ils seront tués dans des conditions qui ne le sont pas moins.
Et pour les fibres issues de la toison des lapins angora, de même que de celles des chèvres angora et cachemire ?
La laine angora, le pelage duveteux d’un lapin angora, est récoltée par arrachage des poils à vif, expérience terrifiante et douloureuse qui relève de la véritable torture. Des images de PETA montrent les cris déchirants qu’ils poussent, lorsqu’ils se font arracher les poils, plusieurs fois par an, pendant deux à trois ans, avant d’être tués (plus d’infos ici). Les chèvres sont également exploitées pour leurs fibres mohair et cachemire qui sont tondues, dans des conditions extrêmement violentes. Parfois les tondeurs sont si brutaux, qu’ils leur brisent un membre ou la nuque (plus d’infos ici). Par ailleurs, à l’instar des lapins, d’autres animaux comme les oies et les canards vivent un traumatisme similaire, quand on leur arrache leur plumage à vif, par exemple en Chine, pour l’obtention de leur duvet (plus d’infos ici).
Le commerce du cuir est lui aussi générateur de souffrance pour les vaches, veaux, chevaux, agneaux, chèvres, cochons, sans compter les chiens et les chats…
Là encore, les enquêtes menées dans le monde entier (voir ici) révèlent les pires cruautés, dans des pays où aucunes sanctions ne sont mises en oeuvre contre la maltraitance animale. Au Bengladesh, par exemple, les vaches doivent se rendre, à marche forcée, sur des centaines de kilomètres, jusqu’à l’abattoir. Quand épuisées, elles s’effondrent, on leur met du piment dans les yeux ou on leur brise la queue pour qu’elles se relèvent. A l’abattoir, les animaux sont encore conscients, quand on leur tranche la gorge ou quand on commence à leur enlever la peau. Au Brésil, des images montrent des veaux trainés à terre, leur visage marqués au fer rouge, criant devant leur mère assistant à leur torture, avant d’être suspendus, la tête en bas, pour être abattus et dépecés. Et il ne s’agit pas seulement des vaches. En Chine et d'autres pays d'Asie, ce sont aussi les chiens et les chats qui sont tués pour leur cuir. Le commerce du cuir n’étant absolument pas transparent, en termes de traçabilité, on ne peut jamais vraiment déterminer avec certitude l'origine et même l'espèce d'un cuir. On ne peut pas savoir si les gants en cuir qu'on vient d’acheter sont fabriqués en peau de vache, en peau de chien ou de tout autre animal.
Les humains ressentent souvent moins d’empathie pour les crocodiles, les alligators, les serpents ou les vers à soie mais là encore la commercialisation des peaux exotiques et de la soie n’est pas exempte de cruauté…
L'empathie semble, en effet, un peu plus difficile, quand il s'agit de reptiles et d’insectes. Peut-être parce qu'ils ne nous ressemblent pas, qu’ils ne poussent pas les mêmes cris, quand ils souffrent. On se reconnait moins dans leurs yeux. Toutefois, des enquêtes démontrent que des crocodiles, confinés dans des fosses sales, parfois si étroites qu'ils ne peuvent même pas se retourner, avant de se voir infliger l’arrachage de la peau souffrent, eux aussi. Des images montrent des crocodiles, déjà dépecés, à qui on a enlevé la peau mais qui continuent de bouger, parce qu’ils sont conscients et vivants (plus d’infos ici). On sait par les experts qu’en raison de leur métabolisme lent, cela peut prendre du temps avant qu’ils ne meurent. Même si on ne se reconnaît pas dans ces animaux, impossible de nier que leur souffrance soit inacceptable. Tout comme celle des vers à soie, ébouillantés vivants dans leur cocon pour pouvoir récupérer le fil de soie, destiné à nos vêtements (plus d’infos ici). Même si on a du mal à avoir de l'empathie pour un ver, c'est absolument inutile de faire souffrir qui que ce soit, alors qu'on a tellement d'alternatives, aujourd'hui, en matière de textiles.
Quels sont les buts de votre réorientation de campagne : pousser les marques à renoncer à l’utilisation de ces matières d’origine animale et à utiliser des matériaux alternatifs ?
Oui, nous aimerions assister au même revirement de l’opinion publique que pour la fourrure, avec des consommateurs qui mènent la charge, en renonçant au cuir, par exemple. C’est déjà le cas de certains d’entre eux pour des raisons éthiques et environnementales, puisque l’élevage des animaux pour la nourriture est extrêmement polluant. Nous aimerions non seulement que les consommateurs tournent le dos à ces matières mais également que les marques suivent le mouvement, en arrêtant de les vendre pour s’orienter vers des alternatives comme le cuir d’ananas Piñatex (site internet ici), le cuir de raisin Vegea (site internet ici), le cuir de pomme, de champignon, de café, bref, toutes ces innovations extrêmement excitantes car éthiques et écologiques.
Pensez–vous que la technologie ait un rôle à jouer dans la lutte contre la souffrance animale, par exemple avec la recherche et développement sur ce genre de matières alternatives ?
Evidemment, la technologie est au cœur de cette problématique. C’est ce qu’a exprimé Stella McCartney, à la veille de son défilé de mode (la collection automne-hiver 20-21 de la créatrice britannique, où ont défilé des mannequins en costumes d’animaux pou défendre les droits des êtres sensibles, a été présentée le 2 mars dernier, à Paris, voir vidéo plus bas, NDLR), lors d’une conférence rassemblant des professionnels de la mode, des représentants du gouvernement et des associations animales. Lors de cette table ronde, la créatrice britannique, en tête du changement pour une mode plus éthique, a mis l’accent sur l’importance de l'innovation technologique dans la mode, parce que c’est grâce à ces recherches technologiques que nous allons pouvoir remplacer les matières animales par des matières innovantes vegan et respectueuses de l’environnement (plus d’infos ici). On ne demande pas aux gens d’arrêter de porter des bottes et des sacs en cuir. On leur propose de choisir des accessoires qui ne soient plus fabriqués à partir de matières animales mais avec des cuirs éthiques et écologiques, tout aussi esthétiques, élégants et possédant les mêmes propriétés, parce qu'il faut que les consommateurs puisent continuer à porter ce qui leur plait, ce qui les attire. C’est ce qui s’est déjà passé avec le remplacement de la fourrure d’origine animale, par exemple avec des initiatives comme celle de l’entreprise française Ecopel (site internet ici) qui développe des fausses fourrures ressemblant aux fourrures animales. De la même manière, un sac fabriqué à partir de pulpe de pomme peut vraiment avoir le même toucher, le même aspect visuel qu’un sac en cuir d’origine animale. En ce sens, l'innovation nous aide à rester fidèle à nos habitudes, à ce qui nous est familier, à nos traditions mais de façon plus éthique. Ainsi, la technologie a un rôle à jouer dans la transition du secteur de la mode vers des alternatives éthiques et écologiques. Elle peut aider à mettre fin à l'exploitation des animaux pour la mode.
La vidéo du défilé AH 20 de Stella McCartney est visible ci-dessous.
Comment voyez-vous le développement futur des avancées technologiques, en matière de lutte contre la souffrance animale dans la mode ?
Je suis positive. La biofabrication, même si elle n’en est qu’à ses débuts, offre des perspectives intéressantes pour les matières alternatives. Les applications à systèmes de points, par exemple, permettent de mieux en mieux informer le consommateur sur la traçabilité et la provenance de leurs produits. Une entreprise comme H&M encourage les innovations circulaires dans la mode avec son concours Global Change Award (voir ici) qui a entre autres récompensé, en 2017, les recherches de Vegea sur le cuir de raisin, élaboré à partir des déchets de l’industrie vinicole. Ce qui est également formidable, c’est quand une marque de renommée internationale comme Hugo Boss qui avait déjà sorti des chaussures en Piñatex (voir ici) lance son premier costume pour hommes, sans laine, entièrement vegan (plus d’infos ici, le costume est là). On peut imaginer que, grâce à la R&D et la technologie, on obtienne des alternatives naturelles encore plus performantes, encore plus proches de ce qu’on attend d’une laine, par exemple, mais qui ne proviennent pas des animaux. Et ce qu’on aimerait, c’est que les marques, plutôt que d’attendre que des alternatives existent, mènent la charge, en première ligne, pour en développer de nouvelles, notamment des fibres pour remplacer la laine, le mohair et le cachemire, parce qu’elles en ont les moyens et qu’elles savent ce que leurs clients veulent.
Ci-dessous : Baskets vegan en Piñatex et costume slim fit en lin italien, à la confection vegan d’Hugo Boss (© Hugo Boss)
Vous l’avez évoqué, l’engagement des consommateurs est primordial, dans la lutte contre la souffrance animale. Comment peuvent-ils se rendre utiles à cette cause ? Par exemple, en optant pour des marques de mode respectueuse des animaux, authentifiées par votre logo “Peta-Approved Vegan” ?
En effet, nous certifions des marques qui n'utilisent pas de produits issus de l’exploitation animale ou dont certains articles sont complètement vegan (plus d’infos ici). Globalement, il y a beaucoup de produits vegan chez les marques, comme on peut s’en rendre compte en lisant les étiquettes et en s’informant sur ce sujet. Beaucoup de gens bienveillants et compatissants qui ne veulent absolument pas payer pour soutenir la souffrance des animaux achètent encore des articles, par exemple des pulls contenant 50 % de cachemire, sans faire le lien avec la maltraitance des chèvres. La première chose est donc de s'informer, d'en parler à ses proches, aux gens autour de soi et, enfin, d’être conscient du fait qu’on possède une voix, en tant que consommateur. Vous avez essayé un pull dans un magasin, il vous va bien mais vous vous êtes rendu compte qu’il contient 5% de cachemire et bien, écrivez à la marque pour lui demander d’arrêter ce vendre cette matière. Ce type de démarche est voué au succès car les marques écoutent les désirs de leurs clients, dans un contexte où, dorénavant, un nombre de plus en plus important d’entre eux ne veut plus soutenir la souffrance animale.
- Le site internet de PETA France est ici. Le site web de PETA USA est là.
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