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Big data, machine learning, reconnaissance visuelle… Et si on parlait intelligence artificielle ?

Illustration par Lionel Samain pour Le Boudoir Numérique (©Le Boudoir Numérique)

3/4 – Envie d’en savoir plus sur l’IA mais un peu intimidé par le sujet ? Pas d’inquiétude, dans cette troisième partie de son interview avec Le Boudoir Numérique, Romain Chaumais, executive leader de l’entreprise française Fashion Data,  spécialisée dans l’IA appliquée à la mode, vous explique tout clairement. 

Par Ludmilla Intravaia

Le Boudoir Numérique : Dans les deux premières parties de notre entretien (lire ici et ), nous avons abordé, de manière très concrète, comment l’intelligence artificielle peut être utile à la mode. Je vous propose de clôturer cette discussion en nous penchant plus globalement sur ce qu’est l’IA et ses technologies. Mais tout d’abord, comment en est-on arrivé à prendre des décisions dans l’entreprise, en s’appuyant sur l’intelligence artificielle?

Romain Chaumais, executive leader de Fashion Data : Le traitement de la donnée a souvent permis de mieux comprendre son activité pour effectivement améliorer la prise de décision, en obtenant la connaissance nécessaire à la réalisation de bons arbitrages. Cette démarche, suivie par les entreprises depuis quelques décennies maintenant, enregistre des progrès croissants. L’idée est d’analyser de plus en plus les infos possédées pour passer d'un jugement individuel intuitif à un jugement quantitatif collectif. On a d’abord commencé par le constat, basé sur des chiffres, afin de répondre à la question : Que s’est-il passé ? De cet état des lieux de ce qui venait de se dérouler, hier, avant-hier ou l’année dernière, il s’agissait de déduire des actions à mener pour améliorer et optimiser l'activité. C’est le reporting. Ensuite, on en est arrivé à une phase analytique au sens large pour répondre à la question : Pourquoi et comment cela s’est-il passé ? Et ainsi essayer de comprendre, par exemple, pourquoi un magasin fonctionne mieux qu’un autre, pourquoi tel article ne s’est pas vendu aussi bien que celui-là, pourquoi ce client est resté fidèle et l’autre pas. 

Qu’est-ce qui est différent avec l’approche analytique ? 

Avec l’analyse, on ne se bornait plus à quelques chiffres sur les ventes, les stocks et les clients, on s’est mis à avoir besoin d’un nombre grandissant de données et d’outils plus puissants pour les traiter. En effet, au niveau technologique, plus on veut comprendre, plus on doit faire appel à de la donnée détaillée. Ce niveau de détail exige de la puissance de calcul, une grande capacité de stockage et des outils spécialisés pour pouvoir naviguer dans ces quantités de données énormes, dorénavant générées par le déluge de data. A cela, s’ajoute la visualisation des données, la mise en images des informations, car on s’est rendu compte que, face à des listings ou des tableaux de données sans fin, on n’arrivait plus à comprendre la réalité des chiffres. La mise en perspective de l'information, dans un diagramme circulaire, comme un camembert ou dans un graphique en barres, permet d’identifier tout de suite les causes et les conséquences d'un phénomène pour mieux l’appréhender. Enfin, sur les dix dernières années, la business intelligence, traditionnellement à l’usage des tops décideurs, est également devenue accessible au plus grand nombre dans l'entreprise. Aujourd’hui, dans les sociétés data driven, guidées par l’information, tout le monde, du CEO au responsable de rayon d’un entrepôt, peut s’appuyer sur l’information pour optimiser ses décisions, grâce à la data democracy. 

Et l’intelligence artificielle dans tout ça ? 

Les concepts mathématiques préfigurant l’IA datent des années 30 et ses premiers modèles informatiques ont été élaborés dans les seventies. Mais un frein important à l’intelligence artificielle demeurait l’incapacité à atteindre la puissance de calcul nécessaire à son développement. Or, grâce au cloud computing ou encore aux microprocesseurs de plus en plus rapides, c’est maintenant chose faite, dans un contexte digital de data déluge ayant entrainé l’apparition de nouveaux outils, afin de ne pas être noyé dans les quantités sans cesse croissantes de données. 

Ces nouveaux outils, c’est le big data ? 

Le big data, ce sont les technologies développées suite au data déluge qui a généré des quantités d’infos impossibles à manipuler avec les outils traditionnels, il y a encore dix ans. Il faut comprendre qu’un site internet produit 100 fois, 1000 fois plus de données, considérablement plus d’infos par jour que celles relatives aux ventes d'une grande entreprise, par exemple. Chaque individu qui clique sur un site web, chaque page vue, chaque puce RFID scannée, chaque usage des appareils connectés de l’internet des objets et des smartphones, toutes ces informations sont dorénavant récupérées, créant ce fameux déluge de données. 

Ce déluge, c’est une augmentation en volume des données ? 

On estime aujourd’hui que le nombre de données double tous les dix-huit mois. Ces données augmentent en volume donc, mais aussi en variété. Ce ne sont pas que des infos tabulaires comme dans un tableau Excel. Ca peut être des fichiers texte, des images, du son, etc. Leur vélocité s’est accrue également. Il y a encore dix ans, on pouvait mettre à jour les infos d'une entreprise toutes les semaines, voire une fois par mois. Début 2000, une banque mettait ses données à jour une fois par mois. Aujourd'hui, une fois par jour, c'est le minimum. A l’heure du big data, aucun être humain n'est plus en mesure d'analyser, seul, les données croissantes, en volume, variété et vitesse qui sont récoltées.

Pourquoi ? 

Nous sommes très forts pour l’intuition, pour comprendre un phénomène dans sa globalité. Beaucoup moins pour analyser, dans le détail, des informations brutes pour saisir ce qui vient de se passer. Nos capacités cognitives sont trop limitées, notre cerveau n’est pas fait pour ce genre de tâches, du moins pas à grande échelle. L’intelligence artificielle, elle, est capable de comprendre d’immenses quantités d’informations et de réaliser, à grande échelle et à grande vitesse, ce que fait le cerveau humain, à une échelle plus réduite. Les programmes informatiques peuvent ainsi analyser ce qui s’est passé, ce qui se passe et en déduire ce qui va se passer, en faisant appel à l’apprentissage automatique. 

C’est ce qu’on appelle le machine learning ? 

Tout à fait. Prenons l’exemple de la reconnaissance visuelle des images. Si je vous donne cinquante images de poussins et d’œufs durs, en vous demandant de séparer les poussins des œufs durs, vous allez être capable de le faire. Si je vous donne un milliard d'images, dans lesquelles je vous demande de retrouver tous les poussins, ça va commencer à être très long et très fatigant pour vous. L’IA, de son côté, est capable d’effectuer cette tâche par apprentissage automatique. Vous allez lui dire : ceci est un poussin, ceci n’est pas un poussin et, à la fin, elle va comprendre, toute seule, ce qu’est un poussin. Vous ne pouvez pas savoir comment elle a appris mais, toujours est-il, qu’à un certain moment, elle aura suffisamment appris pour être pertinente sur ce sujet.

Plus pertinente qu’un humain ? 

Oui. C’est la raison pour laquelle l’intelligence artificielle bouleverse des métiers comme la radiologie, par exemple, des métiers nécessitant des capacités d’interprétation car elle se trompe moins qu’un humain. Parce qu'elle a pu apprendre sur des milliards de cas de figure, et pas seulement des milliers, comme le ferait un être humain. L’intelligence artificielle agit comme un immense cerveau qui va avoir le temps et la puissance de tout lire, de tout comprendre, de vous faire un résumé et du coup, de prévoir ce qui va se passer. 

* Continuez à explorer l’univers de l’intelligence artificielle, dès la semaine prochaine, dans cette dernière partie de l’interview de Romain Chaumais : Data scientist, algorithme, computer vision… Et si on parlait intelligence artificielle ? 

* Continuez votre lecture sur l’intelligence artificielle appliquée à la mode avec la première partie de l’interview de Romain Chaumais sur Le Boudoir Numérique : "L’intelligence de la donnée au service de l’éco-rentabilité de la mode", de même que sa deuxième partie “Le big data permet le pilotage intelligent de la chaîne d’approvisionnement du magasin de mode”

* Le site internet de Fashion Data est ici.

* Poursuivez votre lecture sur Le Boudoir Numérique avec les articles suivants : 

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