A deux jours de l’ouverture de la 6ème édition de la Fashion Tech Week Paris, Le Boudoir Numérique a rencontré Alice Gras, l’une des fondatrices de cet événement dédié à la mode innovante. Passage en revue des nouveautés et moments marquants prévus au programme. English version of the interview, below the french one, in this article.
Le Boudoir Numérique : La Fashion Tech Week Paris est de retour pour une 6ème édition, dès ce 15 octobre. Comment est née cette initiative ?
Alice Gras, co-fondatrice de la Fashion Tech Week Paris : La première Fashion Tech Week Paris est née en 2014, d’une volonté de créer un événement grand public associant les secteurs de la mode et de la technologie. Cette époque a été marquée par un engouement des investisseurs et de la presse pour les projets liés aux innovations technologiques mais la mode semblait rester un peu en dehors de cette dynamique. Il n’y avait pas de raison pour que les choses demeurent en l’état. Nous avons eu envie de mieux faire communiquer mode et technologie et de mettre en lumière les projets qui les associaient. Suite au succès de notre initiative, nous avons créé en 2015 l’association La Fashion Tech, un collectif d’entrepreneurs qui organise dorénavant la Fashion Tech Week Paris et soutient, dans d’autres villes, les événements au croisement de la mode et des nouvelles technologies numériques comme, par exemple, la Fashion Tech Week Biarritz ou la Fashion Tech Days Lyon.
Quelles sont les nouveautés de cette édition ?
Tout d’abord, un petit déjeuner – débat est organisé dans le cabinet Alain Bensoussan Lexing Avocats (cabinet d’avocats spécialisé dans le droit du numérique et des technologies avancées, NDLR) sur le thème “Tissus intelligents et vêtements connectés : faisons le point sur leurs enjeux”. Il faut savoir que les porteurs de projets se heurtent à énormément de contraintes juridiques, quand ils veulent mettre sur le marché un vêtement intégrant de l’électronique, par exemple. En matière de normes juridiques pour la mode connectée, tout est encore en chantier. Animée par l’avocate Naïma Alahyane Rogeonet par la designer textile Florence Bost, co-auteur du livre “Textiles, innovations et matières actives”, cette conférence offrira donc un panorama des technologies numériques émergentes dans le domaine de la mode et du textile, tout en abordant les problématiques juridiques spécifiques suscitées par leur interactions.
La réalité augmentée est également à l’honneur…
Oui, la marque Wonda Kammer (menswear éthique de chemises inspirées de l’art digital, NDLR) a travaillé avec un spécialiste de la réalité augmentée pour proposer une expérience de shopping inédite, dans le pop-up store parisien Kuuki Yomenai, regroupant de jeunes créateurs. En filmant certains objets de la boutique avec son portable, le visiteur verra apparaître la collection sur son écran, grâce à une application, sur le principe du jeu vidéo Pokemon GO (jeu vidéo mobile en réalité augmentée, NDLR). Une nouvelle manière de commercialiser les vêtements, tant dans l’espace physique que numérique, en somme. Enfin, nous avons également prévu un séminaire mode et recherche, de même qu’un workshop sur les bonnes pratiques liées à l’usage des datas fashion tech. Dans ce dernier cas, l’idée est de brainstormer sur les enjeux relatifs aux données récoltés par les wearables, les applications mobiles, les cabines d’essayage virtuelles, le shopping en ligne, etc., en se demander comment on peut tirer un bénéfice économique du travail avec ces données, sans mettre en danger le droit au respect de la vie privée. A l’issue du workshop, nous souhaitons avoir rédigé l’ébauche d’un guide des bonnes pratiques sur la responsabilité dans l’utilisation des données de la fashion tech.
Comment le visiteur pourra-t-il découvrir le maximum de projets fashion tech prometteurs ?
En se rendant à la FashionTech Expo qui, cette année, accueillera une trentaine d’exposants pour une douzaine, lors des éditions précédentes. Nous tâchons de dénicher des projets innovants, développant des idées fashion tech, au tout début de leur parcours entrepreneurial mais avec des avancements tangibles à montrer ou tester, tels une démo attrayante, une belle interface ou un prototype étonnant. L’objectif est de confronter les porteurs de projets à la réalité du marché, au feedback du public, des professionnels et des journalistes et de leur donner la plus grande visibilité possible, en tant que pionnier dans le secteur mode. Nous avons envie de mettre en lumière les initiatives qui innovent, sortent des sentiers battus, élargissent les frontières du domaine de la mode. Car souvent quand on pense mode, on imagine de grands noms, des marques connues, soit de luxe ou de consommation de masse, mais la mode, c’est plus que ça. C’est un tas de services, d’initiatives, peut-être moins visibles mais tout aussi fondamentaux et créatifs.
Table ronde, FashionPitch Night, Hackamode… à l’image de la Fashion Tech Week Paris, la fashion tech semble foisonner d’une foultitude d’opportunités. Permettent-elles finalement aux mondes de la mode et de la technologie de communiquer davantage ?
Au début, nous avions l’impression de nous consacrer à un univers de niche. Mais force est de constater que la mode s’intéresse de plus en plus aux enjeux numériques. Nulle marque n’ignore désormais l’importance d’être présent autant numériquement que physiquement. D’un autre côté, des projets très technologiques s’intéressent maintenant de près au secteur de la mode, alors qu’auparavant elle était plutôt perçue comme futile, accessoire et peu digne d’attention. Cet attrait devenu réciproque, cette meilleure communication nous apparaissent absolument bénéfique pour tout l’écosystème mode et tech.
Le grand public est-il réceptif au potentiel de la fashion tech ?
L’intérêt du grand public est manifeste, d’autant plus qu’il pressent que la fashion tech peut apporter des solutions pour l’avenir, en particulier en terme de mode éco-responsable. En tant que collectif, nous sommes particulièrement sensible à ces enjeux-là. Evidemment, ne soyons pas naïfs. Nous savons très bien que certains projets fashion tech servent des logiques de croissance, en terme de production et de modèle économique, loin d’aller dans le sens du développement durable. L’innovation, à priori, peu servir n’importe quel intérêt, tout dépend de qui l’utilise, qui la finance, qui se l’approprie. Néanmoins, nous remarquons que beaucoup de porteurs de projets, surtout les jeunes, sont hyper sensibilisés aux thématiques de développement durable, de fabrication responsable, de respect des travailleurs, etc. Désormais, nombre de projets mode mettent la technologie au service du développement durable. La contrainte de responsabilité est une notion bien intégrée aujourd’hui, notamment par les millennials. Dans ce mouvement général favorable à l’innovation mode, la nouveauté la plus stimulante réside dans le fait que la mode est devenue un véritable terrain d’exploration. C’est une excellente chose qu’on s’ouvre à la recherche dans ce domaine et qu’on ne reste pas prisonnier d’une seule approche business. Cela permettra de faire évoluer les modèles, de sortir des mécaniques de surproduction, de surconsommation, de croissance basée sur une diminution des couts et l’exploitation des travailleurs. Une évolution porteuse d’espoir pour le futur.
* La Fashion Tech Week Paris se déroule du 15 au 19 octobre 2018. Site internet ici. La page de l’association La Fashion Tech est là.
* La Fashion Tech Week Biarritz se déroule du 19 au 20 octobre 2018. Site internet là.
* La Fashion Tech Days Lyon s’est déroulée le 11 octobre 2018. Site internet là.
Ludmilla Intravaia
ENGLISH VERSION
Fashion Tech Week Paris : "Fashion and tech communicate better"
Two days before the opening of the 6th edition of Fashion Tech Week Paris, Le Boudoir Numérique met Alice Gras, one of the founders of this event dedicated to innovative fashion. Review of novelties and key moments planned in the program.
Le Boudoir Numérique : Fashion Tech Week Paris is back for a 6th edition, from this October 15th. How was this initiative born?
Alice Gras, co-founder of Fashion Tech Week Paris : The first Fashion Tech Week Paris was born in 2014, of a desire to create a public event associating the sectors of fashion and technology. This time was marked by a craze of investors and the press for projects related to technological innovations but fashion seemed to remain a bit out of this dynamic. There was no reason for things to remain as they were. We wanted to make fashion and technology communicate better and to highlight the projects that associated them. Following the success of our initiative, we created in 2015 the association La Fashion Tech, a collective of entrepreneurs who now organizes Fashion Tech Week Paris and supports, in other cities, events at the crossroads of fashion and new digital technologies, such as Fashion Tech Week Biarritz or Fashion Tech Days Lyon.
What's new in this edition?
First, a breakfast - debate is organized in the law firm Alain Bensoussan Lexing Lawyers, on the theme "Smart fabrics and connected clothes: let us take stock on their issues". It should be noted that project promoters face a lot of legal constraints when they want to put on the market a garment integrating electronics, for example. In terms of legal standards for connected fashion, everything is still under construction. Led by the lawyer Naïma Alahyane Rogeon and the textile designer Florence Bost, this conference will offer a panorama of emerging digital technologies in the field of fashion and textiles, while addressing the specific legal issues raised by their interactions.
Augmented reality is also in the spotlight...
Yes, the ethical menswear brand Wonda Kammer has worked with a specialist in augmented reality to offer a new shopping experience, in the Parisian pop-up store Kuuki Yomenai, gathering young creators. By filming certain objects in the shop with a phone, the visitor will see the collection appear on his screen, thanks to an app, on the principle of the video game Pokemon GO. A new way to market clothing, both in the physical and digital space, in short. Finally, we have also planned a seminar on fashion and research, as well as a workshop on good practices in the use of fashion technology data. In this last case, the idea is to think about the problems related to the data collected by the portable devices, the mobile applications, the virtual fitting rooms, the online shopping, etc., in order to ask how we can do a profitable work with these data, without endangering the right to privacy. At the end of the workshop, we would like to have written a good practice guide on the responsibility in using fashion technology data.
How will the visitor discover a maximum of promising fashion tech projects?
For instance, In visiting the FashionTech Expo, which this year will host thirty exhibitors, when there was a dozen, in previous editions. We try to find innovative projects, developing fashion tech ideas, at the very beginning of their entrepreneurial career but with tangible progress to show or test, such as an attractive demo, a beautiful interface or an amazing prototype. The aim is to confront project leaders with the reality of the market, the feedback from the public, professionals and journalists and to give them the greatest possible visibility, as a pioneer in the fashion sector. We want to highlight initiatives that innovate, think outside the box, expand the boundaries of fashion. Because often when we think fashion, we imagine big names, known brands, either luxury or mass consumption, but fashion is more than that. It's a lot of services, initiatives, perhaps less visible but just as fundamental and creative.
Round table, FashionPitch Night, Hackamode ... just like Fashion Tech Week Paris, fashion tech seems to abound with a multitude of opportunities. Do they finally allow the worlds of fashion and technology to communicate more?
At first it felt like a niche sector. But it is clear now that fashion is increasingly interested in digital issues. No brand is now unaware of the importance of being present both numerically and physically. On the other hand, highly technological projects are now very much interested in the fashion sector, whereas before, it was rather perceived as futile, incidental and not worthy of attention. This reciprocal attraction, this better communication seems to us absolutely beneficial for the whole fashion and tech ecosystem.
Is the general public receptive to the potential of fashion tech?
The interest of the general public is obvious, especially since they feel that fashion tech can provide solutions for the future, especially in terms of eco-responsible fashion. As a collective, we are particularly sensitive to these issues. But let's not be naive. We know very well that some fashion tech projects serve a logic of growth, in terms of production and economic model, far from going in the direction of sustainable development. Innovation, in principle, can serve any interest, everything depends on who uses it, who finances it, who appropriates it. Nevertheless, we note that many project leaders, especially young people, are highly aware of the topics of sustainable development, responsible manufacturing, respect for workers, etc. Many fashion projects now put technology at the service of sustainable development. The notion of responsibility is a concept well integrated today, in particular by millennials. In this general movement favorable to fashion innovation, the most exciting novelty lies in the fact that fashion has become a genuine field of exploration. It's a great thing to open up for research in this area and not be trapped in a single business approach. This will make it possible to change the models, to get out of the mechanics of overproduction, overconsumption, growth based on reduced costs and the exploitation of workers. An evolution bringing hope for the future.
* The Fashion Tech Week Paris takes place from October 15th to 19th, 2018. Website here.The page of the association La Fashion Tech is here.
* The Fashion Tech Week Biarritz takes place from 19 to 20 October 2018. Website there.
* The Fashion Tech Days Lyon took place on October 11, 2018. Website there.
Ludmilla Intravaia