A l’occasion du nouveau rendez-vous Impact, dédié à la mode éco-responsable, lancé en septembre dernier, dans le cadre du salon professionnel parisien Who’s Next, Frédéric Maus, le directeur général de WSN, la société organisatrice de l’événement, dresse le bilan de cette première édition, motivée par le désir de “sortir de la crise écologique de la mode par le haut, en regroupant toutes les parties prenantes de la filière, de l’amont de la production aux consommateurs finaux”.
Par Ludmilla Intravaia
Le Boudoir Numérique : A l’occasion du salon Who’s Next, du 6 au 9 septembre dernier, vous avez lancé l’événement Impact, dédié à la mode éco-responsable. Pourquoi ?
Frédéric Maus, directeur général de WSN : Le monde des salons, comme celui de la mode, est en pleine évolution et, de par sa place centrale dans l’écosystème de la mode, WSN se devait d’être une caisse de résonnance pour toutes les initiatives positives, en matière d’éco-responsabilité. La mode étant dans la tourmente depuis quelques temps, nous disposons dorénavant de l'opportunité de sortir de la crise par le haut, en regroupant toutes les parties prenantes de la filière, les marques, la distribution avec, par exemple, Go For Good des Galeries Lafayette (démarche de l’enseigne de grands magasins, en faveur d’une mode responsable, inaugurée en 2018, NDLR), les consommateurs mais également tous les interlocuteurs, en amont de la fabrication, dont certains sont déjà en train de basculer vers des manières de produire plus raisonnées. Nous sommes très satisfait du résultat de cette première édition d’Impact, un lieu ouvert à la rencontre et à l’échange sur des thématiques communes, avec une vraie volonté de faire avancer les choses ensemble.
Lors des conférences d’Impact, de nombreuses initiatives ont été évoquées, telles que le Fashion Pact remis aux dirigeants du G7 pour limiter l’impact environnemental de la filière textile ; la création de l’association Paris Good Fashion pour dynamiser la mode durable dans la capitale française ; le guide de la Fédération française du prêt-à-porter féminin sur les approvisionnements responsables, l'engagement d'H&M sur les matériaux durables ou encore l’annonce par le gouvernement français de l’interdiction d’ici deux à quatre ans de la destruction des invendus non alimentaires. D’après vous, les choses bougent-elles vraiment?
Oui, un mouvement de fond s’est amorcé. On le voit clairement avec l'émergence de nouvelles marques qui envisagent, dès le départ, les choses de manière éco-responsable. L’upcycling, la seconde main, le vintage, le made in local sont en train de prendre des proportions croissantes. On arrive à ce point de bascule, où quand un nombre suffisant de personnes modifie son comportement, la majorité silencieuse suit le mouvement. C’est pourquoi nous sommes à l’aube d’un changement radical dans la manière de créer, de distribuer et de consommer la mode.
Comment ce changement va-t-il s’opérer ?
Quand on parle de transformation écologique, il est utopique d’espérer changer la donne, si on n’envisage pas de se réinventer, de trouver de nouveaux modèles économiques, sur lesquels appuyer cette transition de la mode. On assiste à l’apparition de petites marques émergentes, venues bousculer les modèles économiques et, derrière, les grosses marques sont obligées de suivre, même si c’est plus compliqué pour elles, en raison de leur inertie plus forte, ce que l’on peut très bien comprendre. Les petites marques agissent à leur niveau et quand les grandes marques auront vraiment pris le relais, c'est là qu'on va voir de vraies transformations et des résultats significatifs.
Le greenwashing est-il très présent ?
La question du greenwashing se pose forcément mais je suis convaincu que si l’on n'encourage pas toutes les initiatives qui vont dans le bon sens, on se trompe de combat et on n’avancera pas. Toutes les actions utiles, des plus petites au plus grandes, doivent être saluées, parce qu’elles participent toutes, à leur échelle, à une dynamique positive globale.
La technologie a-t-elle un rôle à jouer dans la mode durable ?
Une chose est certaine, c’est que la technologie a déjà transformé toutes nos manières de faire, surtout quand on la considère du point de vue digital. La dernière transition que nous avons passablement ratée, en tout cas dans l'industrie de la mode, c'est celle du digital. Nous avons longtemps mis en opposition le commerce physique et le commerce digital, pour nous rendre compte, depuis quelques années, qu’il faut les rapprocher. J'espère que la transition écologique sera mieux menée que la transformation digitale, génératrice de clivages entre les différentes générations ou entre les petites et grandes entreprises, en termes de moyens financiers, par exemple. J’ai l’impression que la transformation écologique sera beaucoup plus inclusive et partagée par tous. Je pense notamment à la page Facebook de French Fashion Union (FFU), sur laquelle les jeunes créateurs peuvent s’inscrire pour échanger des conseils, des bons plans et bonnes pratiques pour exercer leur métier (lire l’interview d’Esther et Morgan Bancel, fondateurs de la FFU, ici). Ce genre d’initiatives à un rôle bénéfique à jouer, en termes d’éco-responsabilité. Donc oui, la technologie peut aider la mode durable, pour peu qu’elle soit maitrisée et collaborative, afin d’apporter ce qu’elle à de meilleur, en matière d’innovation.
La technologie peut-elle notamment permettre une meilleure traçabilité des articles de mode ?
C’est toute l’importance de la transparence qu’une marque se doit d’avoir vis-à-vis du consommateur final. Si pour préserver son empreinte carbone, on demande au client de payer plus, par exemple pour des produits fabriqués avec des savoir-faire valorisés localement, il faut qu'il puisse vérifier les engagements revendiqués par la marque. Les solutions technologiques vont favoriser cette meilleur traçabilité de la chaîne d’approvisionnement mais aussi l’optimisation des coûts de transport et de fabrication, de même que l’utilisation de matières textiles innovantes, plus résistantes à l’usage ou générant moins de pollution. Elles permettront aussi, par exemple, d'organiser la gestion des ventes de seconde main sur les sites internet des marques. Bref, tout cela est en train de se mettre en branle, dans un phénomène favorable au renforcement de nouveaux types de consommation, plus sensés en termes d’impact écologique, auxquels aspire un nombre grandissant de personnes.
* La prochaine édition d’Impact et de Who’s Next aura lieu du 17 au 20 janvier 2020, au Parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris. Le site internet de Who’s Next est ici.