Le boudoir numérique

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"Les Makers s’emparent de la mode pour la rendre plus responsable"

Maker Faire Paris, édition 2015 (©LeBoudoirNumérique)

Meilleure gestion des ressources de la planète, personnalisation des objets, production locale et surcycling…, les Makers sont sensibles aux enjeux de l’économie circulaire, notamment en matière de mode. C’est ce qu’a expliqué au Boudoir Numérique Christophe Raillon, le directeur du salon Maker Faire Paris qui ouvre ses portes aux bricoleurs 2.0, dès ce vendredi. 

Par Ludmilla Intravaia

Le Boudoir Numérique : Ce vendredi, le salon Maker Faire ouvrira ses portes, à la Cité des sciences et de l’industrie de Paris, pour trois jours de rassemblement de “Makers”, autour du concept du “Faites-le vous même”. C’est quoi, être Maker ? 

Christophe Raillon, directeur Maker Faire France : Etre Maker, c’est un état d’esprit, une volonté d’être dans l’action, dans le “faire” pour devenir acteur de son quotidien et reprendre la main sur un certain nombre de choses, notamment en matière d’économie circulaire. Ainsi, ce bricoleur 2.0 va préférer réparer les objets, plutôt que les jeter. Créatif, il va s’emparer des outils du digital, pour hacker, détourner, transformer et personnaliser les objets, afin qu’ils lui ressemblent, dans une revalorisation du travail manuel, enrichie par le numérique. Le Maker va modifier de l’outillage traditionnel, par exemple, en additionnant les technologies, les savoirs et les compétences, car le Maker se définit également par sa capacité à apprendre “en faisant”. Tout apprendre, à tout moment. Et s’il se trompe, ce n’est pas grave, il rebondit sur ses erreurs. 

Qui dit apprentissage, dit partage. Est-la même philosophie que dans les espaces Maker qui, en plus de fournir des outils de fabrication numérique, privilégient la transmission des savoirs ?  

Depuis un certain temps, on assiste à l’émergence de ces ateliers, ces Fab lab, où des machines d’impression 3D, de découpe laser, des outils d’électronique ou des formations sont mis à la disposition des bricoleurs 2.0 pour dessiner, prototyper et fabriquer des objets. Mais la richesse de ces laboratoires réside moins dans leurs outils que dans leur communauté, basée sur le partage. On retrouve évidemment cette philosophie sur Maker Faire Paris qui n’est pas un festival où les gens s’exposent mais où ils viennent transmettre leurs savoirs et leurs compétences.

Quels liens les Makers entretiennent-ils avec la mode ? 

Généralement, quand les Makers s’emparent de la mode, c’est pour la rendre plus éco-responsable, plus éthique. Une meilleure gestion des ressources de la planète, la ré-individualisation des objets à contrario d’une production de masse et la fabrication locale, notamment au cœur de la ville sont des enjeux qui leur sont chers. Le Maker ne jette pas, il recycle et réemploie. Avec de vieux vêtements, il en fait de nouveaux, plus créatifs. 

Le Maker pratique l’upcycling, en somme…

Tout à fait. Le recyclage de la matière première, c’était le temps 1. Maintenant, on réalise de l’upcycling, c’est-à-dire qu’on valorise en recyclant, on transforme les choses en un produit qui a plus de valeur. Je pense, par exemple, aux créations d’un de nos exposants, L’ours à paillettes qui recycle des vieux bidons industriels pour en faire du mobilier design. Ou à la marque La vie est belt qui fabrique des ceintures et des nœuds papillon, à base de pneus de vélos usés. 

Comment cette édition 2018 de Maker Faire Paris reflétera-t-elle ces préoccupations ?

Samedi, un défilé sur le thème du recyclage aura lieu à 15 heures avec certains de nos exposants, tels que Olga Debec, Viny DIY, Dodynette Dodynette et Alicia Fenies. Tandis que dimanche, à midi, la sociologue Majdouline Sbai présentera une conférence sur la mode circulaire, le recyclage et le rôle des Makers. Chaque matin, dès 11 heures, quarante machines à coudre seront accessibles à tous, lors d’un atelier géant qui permettra d’utiliser des chutes de cuir et de tissu pour fabriquer des pochettes. Sans compter, le Bar à couture, où l’on pourra, en continu, coudre et personnaliser ses objets.

Grands-pères qui veulent bricoler avec leurs petits fils, membres de clubs de sciences, inventeurs de génie dans leur garage…, finalement, qui sont-ils, ces Makers ? 

Nous sommes tous des Makers. C’est là toute la beauté de ce mouvement. Né de la rencontre entre la contre-culture hippie et de la culture de la Silicon Valley, il a été formalisé, dès 2006, en Californie par l’événement Maker Faire, désormais essaimé dans le monde entier, avec 240 festivals répartis dans quarante pays. Maker Faire, c’est le rassemblement de gens créatifs qui viennent partager avec les autres ce qu’ils fabriquent. Cela veut dire qu’il n’y a pas de profils type de Makers. Néanmoins, si vous souhaitez en savoir un peu plus sur les Makers français, ne ratez pas la conférence de Philippe Moati, professeur agrégé d’économie à l’Université Paris-Diderot qui présentera les résultats d’une étude sur ce sujet, en ouverture du salon, vendredi, dès 11 heures. Une chose est certaine, c’est que le mouvement Maker est un mouvement de fond qui redonne confiance aux gens. Cela fait du bien de fabriquer des choses avec ses mains. On se réalise au travers de ce qu’on réalise.

* Le salon Maker Faire Paris se déroule du vendredi 23 novembre au dimanche 25 novembre 2018, à la Cité des sciences et de l’industrie (voir le site internet ici).