PETA – "La mode doit passer à des matières alternatives sans cruauté et plus sûres pour nous"
Alors que la Paris Fashion Week ferme ses portes digitales, ce mercredi, Le Boudoir Numérique s’est entretenu avec Anissa Putois, la chargée de com de l’association de défense des droits des animaux PETA qui dénonce, outre leur cruauté, les dangers des élevages d’animaux exploités pour la mode, dans la propagation de pandémies comme celle de la Covid-19.
Par Ludmilla Intravaia
Dans cet article :
Les militantes de PETA, en marge de la Paris Fashion Week
La cruauté de l’exploitation animale pour la mode
Le risque sanitaire des élevages à fourrure
Les élevages de visons en France
Le cas des lapins à fourrure
Que demande PETA aux acteurs de la mode ?
Les matériaux innovants, alternatives aux matières animales
Le Boudoir Numérique : Le premier mars, journée d’ouverture de la semaine de la mode parisienne, des militantes de PETA, costumées en coronavirus, ont défilé en face de la tour Eiffel, en portant des affiches, où l’on pouvait notamment lire “Coronavirus ❤︎ Paris Fashion Week”. Quel était le but de cette manifestation ?
Anissa Putois, chargée de communication chez PETA France : Par cette action symbolique, nous voulions interpeller le monde de la mode et celui du luxe, pendant cette semaine importante pour eux, où le projecteur est vraiment mis sur leurs activités. Selon nous, on doit aussi braquer l’attention sur tout ce qui se passe avant la création des vêtements, avant les défilés, à savoir la production de la mode et le danger des matières dans lesquelles elle se fournit.
Vous dénoncez le danger présenté par les élevages d’animaux exploités pour la mode, c’est bien ça ?
L’exploitation des animaux pour leur peau (lire les dernières enquêtes de PETA Asie sur les serpents et sur les crocodiles ici, NDLR) et leur fourrure, oui. Nous dénonçons la complaisance de certains acteurs du milieu de la mode envers la souffrance d’animaux comme les visons, les chinchillas, les ratons laveurs, les chiens viverrins, des chats et des chiens même parfois qui sont élevés dans de petites cages grillagées, sans espace, dans de grands hangars insalubres. Ils ne voient souvent pas la lumière du jour et vivent une existence stressante et frustrante, avant d’être tués de manière extrêmement violente. Ils sont électrocutés, matraqués, noyés parfois. Outre la cruauté de la production de fourrure et de cuir, nous voulons mettre en lumière le grave risque sanitaire que ces élevages d’animaux font porter sur le monde entier. Pendant cette pandémie, un lien entre les fermes à fourrure et la propagation et la mutation du Coronavirus a été établi, dans des dizaines de pays comme la France mais aussi les Etats-Unis, le Canada, l’Italie, l’Espagne, la Suède, la Lituanie, etc. Ces derniers mois, de nombreux pays ont fait fermer leurs élevages de visons, comme le Danemark qui a procédé à l’abattage de 17 millions de visons, contaminés par une forme mutante de la Covid-19. Pourquoi courir un tel risque, se mettre en danger pour des manteaux en fourrure, dont on n’a pas besoin, quand on sait que la mode doit passer à des matières alternatives sans cruauté et plus sûres pour nous.
Dans votre communiqué de presse, vous indiquez que “suivant la mission de l’Organisation Mondiale de la Santé en Chine sur l’origine du nouveau Coronavirus, la thèse privilégiée reste celle d’une transmission via un hôte intermédiaire”, c’est-à-dire que la Covid-19 aurait probablement migré de chauves-souris vers une espèce non déterminée, avant de contaminer des humains. D’après vous, les élevages intensifs d’animaux, exigus et insalubres, pourraient ainsi s’avérer des lieux de reproduction d’agents pathogènes, favorables au développement de la pandémie actuelle et même de pandémies futures ?
Il y a diverses théories, l’une d’elles étant la transmission par les visons élevés pour leur fourrure. Les mustélidés (du latin mustela signifiant belette, famille de mammifères carnivores, NDLR), dont les visons peuvent attraper ce virus, se le transmettre entre eux, le danger étant qu’ils le transmettent à l’humain également.
Quelle est la situation des élevages de visons en France ? Quatre élevages sont encore actifs, à l'heure actuelle ?
Il y avait quatre élevages, jusqu'à récemment. Mais l’un d’entre eux a enregistré des cas de contaminations à la Covid-19. Les animaux ont été abattus et cet élevage ne rouvrira plus ses portes. Il en reste donc trois en activité. Fin janvier, la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale. Si elle passe au Sénat, les élevages de visons devront fermer, dans les deux ans, après promulgation de la loi. Le texte n’est pas encore au calendrier du Sénat. On espère que ce sera bientôt. Tenant compte de ce délai, les trois élevages devraient fermer concrètement d’ici trois ans. C’est très long pour trois élevages mais c’est une bonne nouvelle.
Le 29 janvier, lors de l’adoption de la proposition de loi à l’Assemble nationale, l’association de protection des animaux L214 Ethique et Animaux a publié le tweet suivant : “2 ans ! C'est le délai adopté par l’Assemble nationale pour la fermeture des élevages de visons. L'urgence sanitaire et l'horreur pour ces animaux n'a pas semblé inquiéter la majorité des députés.” Vous partagez l’avis de L214, vous voudriez que la fermeture ait lieu plus tôt ?
Tout à fait. D’ailleurs, c’est ce qui s’est passé aux Pays-Bas, un pays durement touché par la crise du Coronavirus dans ses élevages de vison. Là-bas, la date limite de fermeture des derniers élevages à fourrure, qui avait été fixée à 2024, a été avancée. Nous demandons à la France la même décision de fermeture anticipée, sans attendre 2023. Nous avons d’ailleurs lancé des appels en ce sens à la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, appels auxquels se sont jointes de nombreuses personnalités. Ces trois élevages représentent moins de vingt employés. Il serait tout à fait envisageable de les aider et de les accompagner à se reconvertir. On pourrait le faire rapidement.
Et les lapins, dans tout ça ?
Des lapins sont aussi élevés en France pour leur fourrure. Mais étant des animaux domestiques, ils ne tombent pas sous le coup de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale qui s’applique uniquement aux animaux sauvages, les visons, les renards. Il n'y a pas d'élevage de renards en France mais ça veut dire qu'aucun ne pourra ouvrir à l'avenir. Vu que les lapins sont des animaux domestiques, utilisés non seulement pour leur fourrure mais aussi pour leur chair, leur viande, ils relèvent du domaine du ministre de l’Agriculture et pas de la Transition écologique. Mais selon nous, la cruauté est la même. Ce sont des pratiques qui n'ont vraiment pas lieu d'être. On a des animaux qui parqués, par milliers, dans des conditions totalement insalubres, sont malades et stressés. On n’a pas de virus associé aux lapins mais on ne sait jamais. Ce sont des circonstances idéales pour les maladies et les épidémies.
Quel engagement demandez-vous à la Fashion Week Paris ? De bannir le cuir et la fourrure, comme la Fashion Week d’Helsinki ou de Stockholm ? De se tourner vers des alternatives aux matières animales, comme par exemple le cuir de cactus, bénéficiant du label PETA Approved Vegan, sur lequel H&M a dernièrement jeté son dévolu (plus d’infos dans cet article du Boudoir Numérique) ?
De bannir les matières animales et de passer à des alternatives innovantes. Tellement de choses existent aujourd’hui : des fausses fourrures, des alter-cuirs fabriqués à base de déchets d’ananas et de raisin mais aussi à partir de champignon ou de kombucha. On dispose aujourd’hui de véritables solutions écologiques. C’est encourageant de voir que nous sommes capables d’inventer des solutions plus respectueuses de la planète et des animaux et que certains acteurs de la mode investissent dans des alternatives qui permettent de répondre aux attentes des consommateurs en termes d’environnement et de bien-être animal.
La crise sanitaire a mis en lumière les avantages de la fabrication locale et du made in France dans la mode. Mais j’ai l’impression que, si la pandémie a accéléré la prise de conscience du public envers la nécessité de prendre en compte les problématiques environnementales, le mouvement n’a pas été aussi fort pour celles de la souffrance animale. Qu’en pensez-vous ?
C'est extrêmement important que tout le monde se soucie plus de l'environnement, de notre impact sur la planète et de plus en plus de l'impact du secteur de la mode sur l'environnement. J'ai tendance à être d'accord avec vous, l'environnement et le réchauffement climatique sont vus comme plus urgents. Or, quand on sait que ces animaux souffrent tous les jours pour leur peau, que leur quotidien est un quotidien de misère, ça aussi c'est extrêmement urgent. Mais, en fait, les deux choses vont de pair. On a fait un énorme pas en avant, depuis deux à trois ans, en matière de bien-être animal dans la mode. Enormément de grandes marques, à tous les niveaux, et notamment dans le monde du luxe, ont arrêté la fourrure. Certaines ont, de même, arrêté les peaux exotiques. Peut-être est-ce moins mis en avant, mais c’est au cœur des préoccupations des gens et les marques l’ont bien compris. Nous sommes en contact avec les responsables RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises, par laquelle elles prennent en compte, dans leur stratégie, les enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques de leurs activités, NDLR) des marques. Nous constatons qu’ils ont envie de s’informer, de proposer des collections pour leurs clients vegan, d’arrêter les pires matières pour répondre aux attentes de leurs consommateurs. Les causes environnementales et animales vont de pair et sont de plus en plus prises en considération par les marques.
Plastique recyclé des débris des océans chez Iris van Herpen (plus d’infos ici), protéines fermentées chez Yuima Nakazato (plus d’infos ici)… Ces exemples récents démontrent que les matières innovantes ont dorénavant toute leur place, jusque dans les collections de haute couture, symbole du luxe et de la tradition française.
Le luxe est à la pointe de l’innovation. C’est lui qui mène le jeu pour le reste de la mode. C’est formidable de voir des acteurs du luxe faire des choses aussi innovantes et éthiques pour épargner les animaux et respecter la planète. Iris van Herpen a travaillé sur le thème des plumes, par exemple, sans aucune plume d’oiseau. On peut imiter la nature qui nous fascine tant - et c’est d’ailleurs pour ça que les peaux et les matières animales attirent tellement la mode -, sans faire souffrir d’animal. Et c’est magnifique de voir ça dans le monde du luxe. C’est fascinant de constater qu’on peut faire les choses différemment de ce qu’on a toujours fait, en employant des matières époustouflantes auxquelles on n’aurait jamais pensé, comme le plastique recyclé ou les algues.
Il y a la mode virtuelle aussi. On voit ça chez The Fabricant, Tribute Band ou Carlings. On peut s’acheter un vêtement virtuel à porter sur une photo sur Instagram, par exemple. Quelle réflexion ce phénomène vous inspire-t-il ?
On ne m’en avait jamais parlé mais pour moi, tout moyen qui est bon pour endiguer la fast fashion et pour permettre de ne plus utiliser les animaux dans la mode, est une très bonne chose. Alors qu’on passe, avec la pandémie, beaucoup de temps devant son ordinateur, dans le digital, pourquoi pas, oui, de la mode virtuelle.
* Plus d’infos sur la campagne “Le Coronavirus aime la Paris Fashion Week” dans ce communiqué de PETA France. Plus d’infos sur les dernières enquêtes de PETA Asie sur les serpents et sur les crocodiles. Site officiel de PETA France.
* Signez la pétition pour demander à LVMH d’abandonner les peaux exotiques chez Louis Vuitton et toutes ses autres marques.
* Signez la pétition pour demander à Hermès de cesser d'utiliser la peau de crocodile et d’alligator.
* Lisez la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale.
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