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GAIA - "La technologie innovante aide à faire changer les mentalités sur les animaux"

Michel Vandenbosch, président de Gaia, le 6 août 2021, à Bruxelles (© Lionel Samain pour Le Boudoir Numérique)

1/2 - Que l’on soit un vison exploité pour sa fourrure ou un poulet engraissé pour sa chair, la vie des animaux d’élevage intensif n’a rien d’une existence de luxe. Suite au lancement de la campagne “Poule de luxe, sérieusement?”, en juin dernier, Michel Vandenbosch, le président de Gaia, en dit plus au Boudoir Numérique sur la lutte de cette association belge de défense des animaux pour leur droit à une existence digne et exempte de souffrances. 

Par Ludmilla Intravaia

Le Boudoir Numérique : Le 24 juin dernier, vous avez lancé la campagne “Poule de luxe, sérieusement?” (voir la vidéo ci-dessous). Que dénoncez-vous dans cette campagne? 

Michel Vandenbosch, président de Gaia : Cette campagne vise à mettre en lumière les conditions honteuses dans lesquelles les poulets de chair vivent, entassés par dizaines de milliers, dans des hangars sombres et insalubres, dans la majorité des élevages intensifs où ils sont engraissés. Ces poulets à croissance rapide, génétiquement sélectionnés pour produire le plus de viande possible, vont atteindre leur poids d’abatage en seulement 6 semaines. D'un petit poussin de quelques centaines de grammes, ils se développeront pour peser plus de 2 kilos. Dès la 3e semaine, leur situation devient catastrophique. L’espace trop restreint ne leur permet pas de se déplacer, d’autant plus que leur poids devient trop lourd à porter. Leurs pattes ne peuvent supporter leur corps obèse. Les poulets boitent, souffrent de douleurs aux articulations. Du liquide entoure leurs organes, le cœur, les poumons, ce qui rend leur respiration impossible. Plus on se rapproche de la fin de la période d’engraissement, plus ces poulets vivent un mal-être extrême. 

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Rien à voir avec une situation de luxe, donc…

Exactement. On peut difficilement dire que ces animaux vivent une existence de luxe, quand on sait dans quelles conditions ils sont élevés. L’idée de notre campagne “Poule de luxe, sérieusement?” était de pointer cette association antinomique entre “poule” et “luxe” pour que les gens prennent conscience de cette problématique, par un clin d’œil symbolique à cette expression de notre langage. Nous avons même envoyé des courriers à l'Académie française (voir ici) pour lui demander, soit de retirer le terme “poule de luxe” du dictionnaire, soit d’y ajouter une note explicative sur le problème lié à cette expression. L’Académie française nous a répondu en arguant du fait que tant que les gens utilisent cette expression, il n’y a pas lieu de la rayer du dictionnaire. Le fait que l’Académie n’ait pas souhaité non plus ajouter une note explicative montre à quel point elle n’a tout simplement pas envie que les choses bougent. Pour notre part, nous sommes satisfaits d’avoir pu créer une discussion sur le sujet, en faisant réfléchir le public sur ce débat de société. La prochaine étape, c'est de conscientiser le monde politique qui doit prendre les mesures nécessaires pour faire évoluer la situation. En même temps, nous nous concertons avec les grandes surfaces et les producteurs de viande de poulet pour, qu'eux aussi, changent leur fusil d'épaule (voir ici).

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Pensez-vous que notre langage véhicule une violence symbolique infligée aux animaux qui perpétue leur exploitation par l’homme? En d’autres termes, est-ce que l’on porte préjudice aux animaux en employant des expressions comme “tête de cochon” ou “vie de chien”, par exemple?  

Faire du mal aux animaux, concrètement, non. Mais indirectement, oui. Car ce type d’expressions reflète cette mentalité qui tend à réduire l’animal à un objet, en niant la réalité de sa nature, à savoir qu’il est un sujet actif. L'usage de certains termes dévalorisant les animaux peut renforcer cette idée qu’ils sont faits pour être exploités. PETA, aux Etats-Unis, a mené une campagne sur ce problème spécifique (voir ici). Je ne pense pas que Gaia ira jusque là, même si finalement notre campagne “Poule de luxe, sérieusement?” s’inscrit dans ce contexte lié au langage. Toujours est-il que, quelles que soient nos campagnes (voir ici), nous essayons d’être créatifs, en utilisant différentes approches de communication pour éveiller la curiosité des gens et les convaincre d’agir pour les animaux. 

Puisque nous avons parlé de l’expression “poule de luxe”, justement le luxe, et la mode plus généralement, sont des secteurs économiques qui utilisent énormément de produits d’origine animale, comme les plumes, le cuir, la fourrure, la soie, etc. Quelles actions menez-vous pour faire comprendre aux gens la souffrance organisée des animaux par la mode et le luxe?

En Belgique, les gens ont compris. C'est même le monde politique qui a compris. Je suis sur la brèche à l'encontre de l'élevage des animaux à fourrure depuis 1987 déjà. J'ai collaboré à la création de la première association anti fourrure en Belgique et ce n’est que presque 30 ans plus tard que nous sommes arrivés à faire passer la législation qui mette fin à l'élevage d'animaux à fourrure, dans les 3 régions de Belgique. La première revendication de Gaia, depuis sa création, a été que le bien-être animal soit retiré, au niveau fédéral, des mains du ministre de l'agriculture car nous avions bien compris qu’il allait toujours faire passer les intérêts de l’agriculture et de l’élevage, avant ceux des animaux. Grâce à nos efforts, en 1999, la ministre de la santé publique est devenue compétente pour le bien-être animal. Mais ça ne suffisait pas car nous voulions que le bien-être animal devienne la compétence d’un ministre spécialement dédié. Nous avons dû attendre jusqu’aux élections de 2014, date à laquelle le bien-être animal a été régionalisé, chaque région bruxelloise, wallonne et flamande comptant désormais chacune son ministre du bien-être animal. A partir de ce moment-là, une nouvelle dynamique s’est mise en place qui nous a permis de faire comprendre au public et au monde politique que faire souffrir des animaux pour la mode n’en valait pas la peine et que l'élevage des animaux à fourrure n'avait plus, pour des raisons éthiques, sa place dans notre société. 

Que s’est-il passé? 

La région wallonne a été la première à décider l’interdiction des élevages d’animaux à fourrure, en 2015. La région bruxelloise a suivi (en 2017, NDLR). Les régions bruxelloise et wallonne ne comptaient aucun élevage d’animaux à fourrure mais la Wallonie caressait néanmoins des projets d’implantation d’élevages de visons pour leur fourrure sur son territoire. Grâce à notre combat acharné, nous avons convaincu les autorités de ne pas délivrer de permis pour ces activités. Ainsi, la dynamique de régionalisation à poussé les régions à prendre des décisions d’interdiction similaires, la dernière en date étant celle de la Flandre qui, d’ici 2023, aura fermé ses 18 élevages d’animaux encore actifs (17 élevages d’animaux à fourrure et un producteur de foie gras, d’ici le 1er décembre 2023, NDLR). A ce moment-là, on pourra vraiment dire qu’il n’y a plus d'élevage d’animaux pour leur fourrure en Belgique.

Alter-cuirs à base de déchets agro-alimentaires, biofabrication de mycélium de champignons ou soie d’araignée artificielle… De nombreuses matières innovantes sont développées ces dernières années, comme alternatives aux produits d’origine animale employés par la mode et le luxe. Que pensez-vous de ces nouvelles matières pour aider à mettre fin à l'exploitation des animaux, dans la mode et le luxe? 

Pour ma part, je ne porte pas de cuir. Mes chaussures, par exemple, sont fabriquées en matériaux vegan recyclés. Au fur et à mesure que la qualité des matières innovantes, alternatives par exemple au cuir ou à la fourrure, augmente, les gens se rendent compte qu’il est tout à fait possible de satisfaire leurs besoins vestimentaires, sans faire souffrir les animaux. En ce sens, la mode innovante, et plus largement la technologie innovante, aident à faire changer les mentalités sur les animaux. C’est la technologie innovante, de même que la science et l’empathie, qui vont accélérer cette transformation des valeurs, pour qu’ils ne soient plus considérés comme des marchandises mais comme des êtres sensibles à part entière. 

* Retrouvez la seconde partie de l’interview de Michel Vandenbosch dans cet article du Boudoir Numérique : “Réfléchissons à des manières de consommer qui reflètent plus d’empathie envers les animaux”. 

* Toutes les infos sur la campagne “Poule de luxe, sérieusement ?” ici. Plus d’infos également là. 

* Plus d’infos sur Gaia (Groupe d'Action dans l'Intérêt des Animaux), sur le site internet de l’association belge de défense des animaux, ici. 

Michel Vandenbosch, président de Gaia, le 6 août 2021, à Bruxelles (© Lionel Samain pour Le Boudoir Numérique)

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