Le boudoir numérique

View Original

"Dans le futur, je vois des boutiques de luxe virtuelles avec des avatars"

Eugénie Benhamou, cofondatrice de Factonics, le 14 septembre 2021, à Paris (© Lionel Samain pour Le boudoir Numérique 2021)

2/2 – Suite et fin de notre entretien avec Eugénie Benhamou, où la cofondatrice de Factonics, startup spécialisée en data science et intelligence artificielle, nous livre son analyse des transformations technologiques amorcées ou renforcées par la crise de la Covid-19, dans  le commerce de la mode et du luxe. 

Par Ludmilla Intravaia 

Le Boudoir Numérique : Dans la première partie de votre interview (lire ici), vous avez évoqué la manière dont un outil technologique comme la réalité augmentée rend le  passage à l’acte d’achat d’un produit de luxe plus accessible aux jeunes. Avec les apps et les réseaux sociaux, c’est carrément une foultitude d’informations sur la mode en elle-même qui est à leur disposition…

Eugénie Benhamou, experte retail luxe et expérience client chez Factonics : Tout à fait. Les jeunes connaissent désormais la mode et l’histoire des maisons de luxe sur le bout des doigts. La génération Z possède une culture mode très profonde, très pertinente, une évolution comportementale qui s’est renforcée pendant la crise sanitaire. Souvent, cette clientèle très pointue connaît même mieux la marque que les conseillers de vente dans les boutiques. C'est pourquoi les maisons ont besoin d'outils numériques efficaces pour les accompagner dans leurs contacts avec ces clients parfois très jeunes et très exigeants, dans un contexte où le rôle du conseiller de vente dans le secteur du luxe a complètement muté. 

Que voulez-vous dire par là ? 

Il y a encore dix ans, un conseiller de vente était formé à comprendre les collections et l’histoire de la maison, à savoir parler des matières à la clientèle, etc. Aujourd’hui, il ne peut plus se contenter de présenter des articles, en suivant un cérémonial de vente, il doit également incarner le rôle d’un commercial qui gère son portefeuille client, en le développant et en l’enrichissant au quotidien. Il doit communiquer, se faire connaître de la clientèle, la relancer, intégrer les informations clients dans la base de données de la maison, bref, il est devenu hyper polyvalent, dans un secteur du luxe où le turnover des conseillers de vente étant énorme, les maisons n'ont plus le temps de former leurs nouvelles recrues. Les outils digitaux permettent aux vendeurs de mieux connaitre la clientèle et  surtout, l'outil va parler à leur place. Imaginons une cliente recherchant un pantalon bleu en mousseline de soie qu’elle veut assortir à une chemise en taffetas. Si le conseiller de vente connaît mal la collection ou les disponibilités d’articles en stock, une application le saura pour lui, en lui indiquant les produits à proposer à sa cliente ou à substituer à ceux qui lui manquent. 

Livestream shopping L’Oréal Paris (©L’Oréal Paris)

Et puis, un nouveau conseiller de vente a fait son apparition, celui du livestream shopping…  

En effet, les marques font appel à des influenceurs pour mettre en avant certains produits, ce qui leur permet de disposer d’une nouvelle vitrine, en plus de leurs réseaux sociaux, sachant qu'on est visible de tous sur internet. Ce phénomène nous vient d'Asie, où les marques ne vendent que de cette façon. Alibaba a été le précurseur du livestream shopping. Sur ce site d’e-commerce chinois, les articles sont mis en valeur par des démonstrateurs, souvent de vrais showmen qui se livrent à des représentations presque théâtrales, très attrayantes pour le spectateur. On voit l’article en live, on se projette dans l’acte d’achat, ça donne envie de consommer et d’ailleurs, en Chine, ce phénomène a pris des proportions énormes. 

Capture d’écran de l’épisode 8 de En mode Printemps, diffusé en direct le 3 novembre 2021 (© Le Printemps)

Et en France ? 

Cette manière de vendre à distance est également un succès chez nous, où il est arrivé depuis trois à quatre ans et surtout depuis la pandémie. Burberry a été à l’avant-garde de cette tendance, il y a quelques années, avec le concept de podium connecté, où les pièces de la collection étaient vendues, en live, pendant le défilé. C'était révolutionnaire en son temps. Maintenant, c’est de plus en plus courant. Par exemple, cet été, le grand magasin Le Printemps a lancé sa série de live shopping, En mode Printemps, dans la lignée d’une première initiative de ce genre en 1999 (avec des personal shoppers se déplaçant dans le magasin avec une caméra et un téléphone GSM pour vendre des articles à distance aux internautes, NDLR). Le livestream shopping fait dorénavant partie intégrante des stratégies de communication marketing des maisons de luxe et de la mode.

Webcamers de vente à distance du magasin Le Printemps, en 1999 (© Le Printemps)

La stratégie de l’achat en vidéo live est-elle porteuse d’avenir pour les marques ? 

Oui. C’est une stratégie doublement gagnante pour tirer profit de nouvelles ventes, tout en se faisant mieux connaître des acheteurs étrangers, avec lesquels il est possible d’interagir. De plus, l’intelligence artificielle peut intervenir aisément dans ce type de vente à distance, puisque de nombreuses informations clients sont communiquées à cette occasion. L'IA peut analyser les données en live et en temps réel pour apporter à la marque des informations sur les clients en train d’assister au live shopping. Néanmoins, ce type de shopping comporte aussi des inconvénients, il peut notamment contribuer à la détérioration de l’image d’une marque ou de la notoriété d’une maison de luxe, si l’événement n’est pas bien mené. A prendre quand même avec des pincettes, donc.  

A la lumière de notre discussion, comment voyez-vous le futur du shopping, notamment dans le luxe ?

Avec l’accélération de la digitalisation, je vois des boutiques de luxe virtuelles avec des avatars. Depuis son canapé à Paris, on pourra se balader à distance dans la boutique virtuelle Dior de Shanghai, ou de n’importe quel autre pays, pour y découvrir les produits, connaître leur disponibilité et les acheter en live, en compagnie de l’avatar d’un conseiller de vente. L’avatar qui se présentera à vous sera un véritable membre du personnel de vente qui communiquera vraiment avec vous, même si c’est de manière virtuelle. Les bases clients étant jumelées à l’échelle internationale, cet avatar vous connaitra parfaitement, saura quels articles vous avez déjà acheté dans votre pays de résidence et vous en proposera d’autres à acquérir. Ce genre de boutiques virtuelles peut encore nous paraître aussi surréaliste qu’un film de science-fiction ou d'anticipation mais petit à petit, dans quelques années, cela deviendra une réalité. L’important étant, en fait, de ne pas perdre de vue que, même si l’aide apportée par l’IA, la data, la virtualité et la technologie en général est vitale pour s’adapter aux évolutions et aux enjeux du futur, l'émotion doit rester au coeur de l'expérience client. L’humain avant la machine, en somme. 

* Retrouvez la première partie de l’interview d’Eugénie Benhamou, sur Le Boudoir Numérique : “La réalité augmentée est une toile artistique pour les maisons de luxe”. 

Eugénie Benhamou, cofondatrice de Factonics, le 14 septembre 2021, à Paris (© Lionel Samain pour Le boudoir Numérique 2021)

* Vous ne voulez manquer aucune actualité fashion tech et beauty tech? C’est facile, abonnez-vous à la newsletter du Boudoir Numérique!

* Continuez votre lecture sur Le Boudoir Numérique :

- "Les manteaux d’Atelier Loden sont destinés au plus grand nombre, pas à une élite"

- "Avec Atelier Loden, j’ai voulu confectionner un manteau porteur de sens"

- Innovation - Dossier spécial sur la mode et la beauté vegan et cruelty free

- Co-Exist Story, la première collection vegan d’H&M approuvée par PETA

- Stella McCartney à la COP26 : "Le futur de la mode et de notre planète est cruelty-free"

- La collection vegan d’H&M défile dans Animal Crossing

 - Ikeuchi Hiroto crée des couvre-visages cybernétiques pour Balenciaga

-Les lunettes de soleil Balenciaga à logo lumineux enfin disponibles

-Avec l’IA, Refik Anadol crée "une réalité alternative de la nature" pour Bulgari

-Peurce, de la maroquinerie vegan et écoresponsable qui fleure bon la pomme

-Et si on craquait pour de la lingerie innovante plus durable ?

-Paris FW PE22 – Stella McCartney dévoile sur le runway son premier sac vegan en Mylo unleather

-Paris FW PE22 - Anrealage défile dans l’univers virtuel de l’animé japonais Belle

-Le Boudoir Numérique se prend pour Natalie Portman dans l’univers virtuel de Miss Dior

-Cristóbal Balenciaga ne jouait pas à Fortnite. Demna Gvasalia, si.

-Le robot Ai-Da porte une robe en cristaux vivants d’Auroboros

-Tessa Thompson en robe Syntopia d’Iris van Herpen au MET Gala 21

-Grimes en guerrière Iris van Herpen au MET Gala 2021

-Gabrielle Union porte une robe découpée au laser d'Iris van Herpen au MET Gala 2021

- Rejoignez les avatars de Tomorrow X Together dans l’univers virtuel de Ralph Lauren X Zepeto