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"Notre basket en cuir de pomme est un pas de plus vers une mode durable et circulaire"

Basket Caval en cuir de pomme, lancée le 13 juin 2020 (© Caval)

A l’occasion du lancement, ce 13 juin, de la première basket vegan de Caval, Le Boudoir Numérique s’est entretenu avec Achille Gazagnes, CEO et cofondateur de cette marque de chaussures dépareillées, misant sur la différence d’une fabrication made in Europe avec des matériaux éco-responsables. 

Par Ludmilla Intravaia

Le Boudoir Numérique : Pourquoi une marque de baskets dépareillées ? 

Achille Gazagnes, CEO et cofondateur de Caval : Depuis que je suis enfant, je porte des baskets dépareillées. J’achète deux paires identiques, dans des couleurs différentes et je les échange pour créer des jeux de coloris. Lorsque je suivais ma formation d’entrepreneur à HEC, j’ai rencontré un designer de l’école de mode Esmod, Benoit HabFast, notre futur directeur artistique qui, séduit par mes chaussures dépareillées, a voulu créer un concept de baskets dont les formes asymétriques définiraient la manière dont les deux chaussures dialoguent entre elles. Emballé par son idée, j’ai embarqué dans l’aventure un ami qui faisait ses études avec moi, Simon De Swarte et Caval est né, il y a deux ans. Notre collection comprend trois modèles : Vincent&Mia, muni d’une bande transversale coupant la basket en deux, Korben&Leloo avec deux doubles bandes asymétriques et Bonnie&Clyde avec deux triangles asymétriques. De ce concept de baskets dépareillées découlent nos valeurs de marque, basées sur la différence, volonté d’être différents dans la fabrication de nos baskets et des matières utilisées, respect de la différence d’autrui par notre engagement auprès d’Handicap International, association à laquelle nous faisons un don à chaque paire vendue.

Votre fabrication est différente, en ce sens qu’elle est à 100% européenne ? 

Il faut savoir que 95% des baskets dans le monde sont fabriqués dans des pays d'Asie du Sud-Est. A chaque étape de notre production, nous nous posons cette question : comment travailler différemment des autres, en fabriquant en Europe, avec des matières éco-responsables en provenance d’Europe et tracées en toute transparence ? Et quand je dis made in Europe, je peux même réduire localement à la France, l’Italie, le Portugal et l’Espagne. Ainsi, notre design est français. Nos baskets sont confectionnées dans notre atelier au Portugal, pays d’où proviennent également nos semelles, recyclées à 40%. Nos cuirs sont issus de tanneries italiennes et nos lacets fabriqués également là-bas avec du coton 100% biologique italien. Les tissus de nos baskets sont en coton 100% biologique espagnol. L'idée, c’est d'avoir une production 100% européenne et non pas d'utiliser du cuir en provenance du Nigeria, du Pakistan ou de Chine, où les conditions d’élevage sont catastrophiques ou du coton pakistanais ou indien qui n’arriverait en Italie que pour être tissé pour nos lacets. Notre coton est cultivé et tissé en Italie. Les animaux sont élevés dans les tanneries italiennes, auprès desquelles nous nous fournissons et qui, par ailleurs, tannent le cuir sans chrome, avec des tanins végétaux. Tout cela est plus couteux mais à chaque fois, nous veillons à faire des choix qui vont dans le sens de l’éco-responsabilité. 

Basket Caval en cuir de pomme, lancée le 13 juin 2020 (© Caval)

Comme la précommande, également ? 

Nous travaillons avec un modèle hybride et je pense que nous sommes la seule marque à le faire. Il y a deux façons d'acheter une paire de Caval sur notre site internet. Soit, vous achetez la paire en stock. Et là, vous la payez au prix fixé. Soit, vous la précommandez.  Dans ce cas, vous devrez attendre deux mois pour la recevoir mais vous bénéficiez d’une réduction de 25 euros. La précommande est automatique, quand nous lançons un nouveau modèle. Ainsi, pour notre modèle Bonnie&Clyde, lancé en avril dernier, il n’y avait que des précommandes, aucun stock. Ce système nous permet de fabriquer à la commande et du coup, d'avoir des productions exactes, en sachant quelles couleurs, par exemple, vont le mieux fonctionner et d’éviter le surtock d’une collection qui nous resterait sur les bras et qu’on devrait brader en soldes ou en ventes privées pour s’en débarrasser. Cela nous permet aussi d’être indépendants, puisque nous n’avons pas besoin de fonds trop importants pour financer notre activité.  Pas de surproduction, pas de gaspillage, pas de soldes, pour nous, la précommande est un système idéal. 

Vous lancez, le 13 juin, votre première basket en cuir de pomme, bénéficiant de la certification PETA-Approved Vegan. Pourquoi une chaussure vegan ? 

Même si on arrive à utiliser les cuirs les plus éco-responsables possibles, cette matière demeure très polluante. Il nous fallait donc trouver un matériau alternatif, d’autant plus que c’était une demande forte de nos clients qui va aussi dans le sens de nos vies personnelles, puisque Simon De Swarte et moi sommes végétariens. Notre Caval en cuir de pomme est fabriquée dans une matière commercialisée par l’entreprise italienne Frumat, le Pellemela, composé de 40% de fibres de pommes recyclées de la région du Tyrol et de 60% de polyuréthane recyclé, une nouvelle matière vegan et traçable qui, pour nous, est un pas de plus vers une mode durable et circulaire, visant à lutter contre l’exploitation animale, dans le respect des êtres sensibles. Evidemment, il reste des choses à améliorer, le polyuréthane étant un dérivé du plastique mais il est présent dans des proportions bien moindres que dans les autres simili-cuirs qui, en fait, sont entièrement du plastique. Le cuir de pomme est le substitut au cuir le plus éco-responsable que nous ayons trouvé pour le moment mais nous poursuivons nos recherches évidemment. 

L’innovation matières, c’est important pour vous ? Pourriez-vous investir dans la recherche de nouveaux matériaux ?

Les matières innovantes sont fondamentales pour nous mais nous n’avons pas les moyens de faire de la R&D en matériaux et ce n’est pas notre métier. Notre rôle est plutôt d’accompagner l’innovation, comme nous l’avons fait avec Frumat. Nous testons beaucoup de choses, notamment avec nos fournisseurs, dont nous soutenons les initiatives. Dernière en date, celle de Bolflex, notre fabricant de semelles au Portugal qui a conçu une nouvelle manière de recycler  les chaussures Caval, en les broyant et en y ajoutant du caoutchouc, pour en faire des semelles. Les tests étant concluants, nous allons lancer ce projet circulaire, dès septembre prochain. 

Basket Caval en cuir de pomme, lancée le 13 juin 2020 (© Caval)

D’après vous, la crise du Covid-19 a-t-elle entrainé un changement de mentalité chez le consommateur, dorénavant enclin à un acte d’achat plus réfléchi, plus éco-responsable ? 

Nous avion déjà senti une tendance à la recherche de produits made in France ou Europe mais elle s’est accéléré avec la pandémie de Coronavirus. La crise des masques, par exemple, a mis en évidence notre dépendance textile vis-à-vis de pays comme la Chine, ce qui a transformé les mentalités. Pour notre part, nous allons lancer, dès le début de l’année prochaine, une gamme made in France pour répondre à cette demande de fabrication locale du consommateur. Il y a aussi tout un travail d’éducation à réaliser sur la traçabilité des matériaux utilisés. C’est bien d’avoir du made in France mais quelle est l’origine exacte des matériaux ? Les consommateurs vont devoir apprendre à être attentifs aux labels et aux accréditations, comme la certification textile biologique GOTS, par exemple. Nous avons d’ailleurs prévu, sous peu, sur notre site internet, la possibilité de connaître toutes les accréditations de nos fournisseurs. 

Comment voyez-vous le futur de votre marque ?

Nous commençons à être bien implanté en France et nous voulons nous développer en Europe, notamment en Allemagne et en Angleterre. Nous souhaitons, de plus, renforcer  l'univers de la marque, en ouvrant des boutiques en propre. Pour le moment, nous travaillons avec des revendeurs et l’ouverture d’un réseau limité de flagships nous permettrait de faire partager l’esprit de Caval en physique à nos clients. Comme nous caressons le projet d’une recyclerie de chaussures, une boutique parisienne pourrait jouer le rôle de point de collecte. En octobre dernier, nous avons gagné un concours du groupe immobilier Unibail-Rodamco qui nous offre la possibilité d'ouvrir une boutique dans un de leurs centres commerciaux en France. C’est ce que nous ferons vraisemblablement dans la seconde partie de 2021.

* La collection Caval en cuir de pomme, déclinée en 4 coloris unisexes, est disponible, en précommande, dès le 13 juin sur le site internet de Caval, ici. En septembre, elle intégrera le Bon Marché à Paris avec un nouveau coloris célébrant cette collaboration. 

* Pour en savoir plus sur le label PETA-Approved Vegan et la liste des marques faisant partie de ce programme, c’est ici.

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