Influences tech chez Balenciaga
A l’occasion de la nouvelle campagne automne 2019 de Balenciaga, mettant en scène des mannequins déambulant, solitaires et portable au poing, dans des paysages urbains ou désertiques, Le Boudoir Numérique se penche sur la manière dont Demna Gvasalia, le directeur artistique de la maison française, questionne les liens entre l’homme et la technologie, au travers de son art, la mode.
Par Ludmilla Intravaia
Des mannequins dans leur bulle. Errants dans l’immensité désertique de l’environnement naturel, au Maroc, sur l’île de Lanzarote ou de l’espace public de la cité, des silhouettes aux couleurs de Balenciaga se meuvent, en une scénographie éparse.
Telles sont les images de la nouvelle campagne automne 2019 de Balenciaga, signée du photographe Jean-Pierre Attal. Inspirés d’une de ses séries précédentes, “Paysages ethnographiques”, explorant “l’intimité anonyme de la société urbaine” et de sa vidéo “Chroniques urbaines”, photos et film évoquent des individus “déracinés”, évoluant en foule mais demeurant “émotionnellement dans des mondes éloignés”, peut-on lire sur son site internet.
Sur les clichés de Jean-Pierre Attal, certains mannequins conversent au téléphone ou consultent l’écran de leur portable. Un accessoire addictif qui suscite manifestement l’intérêt du directeur artistique de Balenciaga, Demna Gvasalia, également fondateur de la marque Vetements. “Dans les transports en commun, je me suis rendu compte qu’il y avait des gens qui me prenaient en photo ou regardaient ce que je faisais sur mon téléphone”, a expliqué le créateur géorgien à l’édition française du magazine Vogue, le 17 janvier dernier, en s’exprimant sur “Anti Social”, sa collection Vetements automne-hiver 2019-2020. Pour illustrer cette invasion de la vie privée due aux réseaux sociaux et aux appareils électroniques, Demna Gvasalia a conçu des tenues permettant de consulter son téléphone, à l’abri des regards indiscrets. Seule une lueur, sous les froufrous, indique la présence dudit objet.
“Ma collection reflète mon état d’esprit général. Je ne fais pas de la mode pour décorer les gens. J’ai envie de l’utiliser comme un outil pour communiquer mes idées”, confiait, le lendemain, Demna Gvasalia au site internet Fashion Network : “Je m’intéresse au futur, aux sujets qui sont importants pour tout le monde. Le smartphone fait partie de la révolution éthique et culturelle (…) Internet, c’est ce qui nous permet de cacher notre identité, c’est beaucoup de bonnes choses mais aussi des malheurs. J’en suis conscient et j’aimerais transmettre ce message aux autres.”
Cette préoccupation pour la dérive des médias et des réseaux sociaux, dans un monde de plus en plus numérique, est aussi présente chez Balenciaga. Déjà, sa campagne été 2018 mettait en scène des modèles harcelés par des paparazzis.
Le 30 septembre 2018, la maison française a opté pour une installation vidéo oppressante de Jon Rafman, lors de la présentation de sa collection été 2019, à Saint-Denis, près de Paris. L’artiste canadien, bien connu pour questionner l’impact de la technologie et des médias numériques sur notre société, avait prévu un tunnel lumineux de LEDs incurvé du sol au plafond, que des mannequins à l’attitude robotique ont arpenté, dans un flot d’images immersives, comme au cœur d’un ordinateur géant.
En février dernier, le film de la campagne été 2019, signé du même Jon Rafman, faisant la part belle à l’univers SF de la trilogie Matrix des sœurs Wachowski.
De même, le film de la campagne Balenciaga printemps 2019, diffusé en novembre 2018 sur Instagram, a été réalisé par l’artiste digital Yilmaz Sen qui a livré des mannequins se tordant en tous sens, sous l’impulsion de pixels débridés.
Rien d’étonnant, dans ce contexte, à ce que la griffe ait finalement opéré un glissement vers de la fashion tech pure et dure. Balenciaga vient, en effet, d’agrémenter son modèle de baskets Track d’une semelle lumineuse en LEDs pour homme et femme. Les chaussures à diodes électroluminescentes ne sont dorénavant plus seulement l’apanage des gamins mais aussi des fashionistas aux poches assez profondes pour débourser les 995 dollars US nécessaires à l’acquisition de cet accessoire aussi tech que bling.
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